À la CCI des Pyrénées-Orientales, ce 15 avril, on ne parlait ni tourisme ni vin, mais intelligence artificielle. Et pas celle des géants du numérique. Une IA coopérative, locale, maîtrisée, pensée pour les entreprises du coin. LESTAC AI est née. Avec, en tête, une conviction simple : pour que l’IA serve un territoire, encore faut-il qu’elle lui appartienne.
Ils sont trois à avoir enclenché le moteur. Vincent Podlunsek (Adamentis), Laurent Tidona (CBAO), et Florent Thomas (Mind & Go, Datacup) ont présenté à une assemblée de 120 chefs d’entreprise un projet un peu fou mais pas utopique : créer une société coopérative d’intérêt collectif, LESTAC AI, pour mutualiser des ressources et développer une intelligence artificielle libre, souveraine et adaptée aux besoins économiques des Pyrénées-Orientales.
Derrière cette initiative, un constat : l’IA, dans sa forme actuelle, reste une course de vitesse menée par quelques plateformes mondiales. Accès restreint, coûts élevés, dépendance technique. Et une alternative : reprendre la main. « L’idée est de créer une SCIC avec des institutions, du public et du privé pour acheter du matériel permettant d’avoir accès à des IA et de les adapter aux entreprises du territoire », détaille Vincent Podlunsek.
Le nom choisi, LESTAC AI, résonne comme une déclaration d’intention. Il fait référence à L’Estaca, le chant catalan de Lluís Llach devenu hymne de résistance : on ne s’enchaîne pas à la technologie, on l’ancre dans le sol.
Le projet est pragmatique : réunir une quinzaine d’entreprises, acquérir seize GPU de haute performance, pour un investissement global de 500 000 euros. « Il faut des cartes graphiques permettant du calcul massif, avec du stockage et des serveurs. Cela permettra d’accéder à des IA que l’on va “tuner” pour les adapter aux besoins », précise Vincent Podlunsek. Traduction : construire une infrastructure locale de calcul pour faire tourner des modèles d’IA open source, personnalisables, sécurisés. En évitant les abonnements hors de prix et la fuite des données.
Et surtout, en partageant l’outil. « Cela permettra de partager le savoir et les ressources, tout en protégeant les données », insiste-t-il. L’approche est collective, mais pas abstraite : si la SCIC voit le jour, chaque entreprise utilisatrice contribuera à la définir, à la financer, et à en tirer bénéfice.
Ce 15 avril, les réactions ont fusé dans la salle. Curiosité, questions techniques, projections concrètes. L’enthousiasme est là. Car le pari de LESTAC AI n’est pas seulement technologique. C’est un pari culturel : celui d’un numérique réapproprié, où l’innovation ne se mesure pas à la taille des tours de bureaux, mais à la capacité d’un territoire à s’organiser pour façonner ses outils.