Ce mercredi 25 juin à Labège, l’IoT Valley fait coup double : elle inaugure des locaux flambant neufs et organise une journée entière dédiée à… la sérendipité. Derrière ce mot étrange se cache une idée simple mais féconde : et si l’innovation naissait moins des plans bien ficelés que des hasards bien entourés ?
Sous un ciel d’été lourd prêt à rompre en éclairs, les portes de la Data Valley s’ouvrent sur un élan curieux et ardent. À l’intérieur, 400 personnes s’éparpillent entre les estrades et les alcôves, les idées et les rencontres, les certitudes et le lâcher-prise. Ce jour-là, l’IoT Valley n’inaugure pas seulement un bâtiment flambant neuf de 4 000 m². Elle inaugure une manière d’aborder l’avenir : avec une confiance mesurée dans le hasard.
Sérendipité. Le mot est rare, presque suspect, tant il fleure bon les conférences TEDx et les PowerPoint fumeux. Et pourtant, c’est le fil rouge de FOCUS 2025, le rendez-vous annuel de l’IoT Valley, ce laboratoire entrepreneurial installé à Labège depuis 2011. Après avoir exploré le risque, la résilience ou la créativité, cette nouvelle édition s’attaque à ce drôle de carburant de l’innovation : la découverte inattendue, celle qu’on ne cherchait pas mais qui change tout.
« Dans un climat d’incertitude et de bouleversement socio-technologique, il convient de lâcher prise et de laisser nos intuitions se rencontrer pour inventer demain », affirme Ludovic Le Moan, président de l’IoT Valley, et éternel agitateur d’idées dans le paysage tech toulousain.
Un écosystème qui respire
L’IoT Valley a emménagé en octobre dernier dans ses nouveaux locaux à la Data Valley. Deux étages baignés de lumière, pensés comme des catalyseurs de synergies plus que comme des espaces de bureaux. L’ambition : faire de ce lieu un aimant à projets, un lieu où les idées se croisent, parfois sans se chercher, et où les entreprises tech peuvent à la fois respirer, expérimenter, et croître.
Et elles sont nombreuses à avoir répondu à l’appel. L’IoT Valley fédère aujourd’hui 39 entreprises, dont 20 startups incubées et 19 hébergées, pour un total de 450 salariés. Le tout soutenu par une quinzaine de partenaires industriels, bancaires ou issus du bâtiment, de Crédit Agricole Technologies & Services à Séniorales, en passant par Teréga ou La Compagnie des Desserts.
Ces collaborations ne sont pas de simples coups de com’ : elles sont le théâtre d’expérimentations concrètes, où l’intelligence artificielle est abordée non pas comme une potion magique, mais comme un levier pragmatique. À tel point que Bpifrance a référencé l’IoT Valley comme Expert Data IA, preuve que la structure a su adapter son savoir-faire initial (l’Internet des Objets) aux nouveaux défis technologiques.
FOCUS 2025 : un laboratoire d’imprévus
Le programme de la journée a des airs de manifeste : conférences, témoignages, interviews. Des figures connues et reconnues, venues partager comment le chaos peut parfois accoucher d’un ordre nouveau.
Parmi les têtes d’affiche, Luc Julia, co-créateur de Siri et aujourd’hui Chief Scientific Officer chez Renault Group, vient offrir sa vision sans fard de l’IA dans l’industrie. Suit un dialogue inattendu entre Jean-Baptiste Kempf, fondateur de Kyber (et père spirituel du lecteur VLC), et Soraya Jaber, pionnière du spatial computing : deux trajectoires, deux styles, un même goût pour les bifurcations imprévues.
La table ronde « Médias, algorithmes et surprises » interroge quant à elle notre capacité à laisser le hasard surgir dans un monde d’algorithmes qui trient, prédisent, lissent tout. Olivier Auradou (Cyber’Occ), Romain Enjalbert (Malheurs Actuels, Usol) et Béatrice de Rivet (Cenareo) croisent leurs regards pour comprendre si l’algorithme tue la découverte… ou la redéfinit.
Autre temps fort : la place des technologies dans l’accompagnement du vieillissement, avec notamment Carole Zisa-Garat, fondatrice de Télégrafik, et Arthur Roussel, DSI des Séniorales. Loin des discours dystopiques, ce sont ici les usages concrets et les expérimentations locales qui prennent le pas.
Et pour clôturer, Marylène Delbourg-Delphis, vétérane de la tech devenue stratège en innovation, échange avec Serge Gratton, chercheur à l’IRIT et directeur scientifique d’ANITI. Une réflexion sur la « survie dans l’inattendu » qui sonne comme un credo pour l’ensemble de l’écosystème réuni à Labège.
L’effet domino, version Labège
Si l’on devait chercher une métaphore du fonctionnement de l’IoT Valley, ce serait peut-être celle d’un jeu de dominos lancé au bon moment. Car de l’aventure individuelle à la dynamique collective, tout ici repose sur la possibilité qu’un projet croise un besoin, qu’une idée dormante rencontre une expertise, qu’un déjeuner improvisé accouche d’un prototype.
Les résultats, eux, sont tangibles. Plus de 100 emplois créés en 2024, 427 millions d’euros levés depuis la création de la structure, et un taux de rentabilité enviable : 25 % des startups accompagnées sont déjà rentables, 70 % devraient le devenir d’ici fin 2025. Certaines sont devenues des noms qui comptent, comme Cenareo, MerciYanis, Ubigreen, Nanolike ou Pictarine.
« Nous abordons l’intelligence artificielle comme nous avions abordé l’Internet des Objets à nos débuts : avec pragmatisme, ambition et vision », résume Pierre-Olivier Bessol, vice-président de l’IoT Valley et CEO d’Ubigreen. Une posture qui fait écho à celle des acteurs publics, comme le Sicoval, la Région Occitanie ou le fonds européen FEDER, qui soutiennent activement cette ambition territoriale.
Une méthode du hasard ?
Reste une question : peut-on vraiment provoquer la sérendipité ? Pour Ludovic Le Moan, la réponse est oui. Ou plutôt : on peut créer les conditions de son apparition. Des événements comme FOCUS, affirme-t-il, « sans enjeux, bienveillants, où le lâcher prise et le respect occupent l’espace », permettent justement de libérer des énergies, de relâcher les tensions, et de laisser surgir l’imprévu.
Alors non, la sérendipité ne se décrète pas. Mais elle peut se cultiver. Comme un terrain vague qu’on cesse d’arpenter en ligne droite pour mieux le voir fleurir.
Plus d’informations : www.iot-valley.fr/fr/focus/serendipite