IA au travail : les salariés avancent, les entreprises piétinent

Ils s’en servent tous les jours ou pas du tout. Ils veulent apprendre, mais on ne leur enseigne rien. Ils s’adaptent, souvent seuls. Dans le monde du travail, l’intelligence artificielle progresse. L’accompagnement, lui, reste à la traîne.

Ils ne boudent pas l’intelligence artificielle. Ils s’en servent, l’observent, parfois même l’embrassent avec enthousiasme. Mais dans 6 cas sur 10, les actifs français se débrouillent seuls. Pas de formation, pas de consigne claire, pas de stratégie. Juste l’outil, brut. C’est l’un des constats les plus frappants de l’enquête menée par IPSOS pour l’école Jedha, du 28 mai au 2 juin 2025, auprès de 1000 actifs français.

Loin d’un rejet de principe, l’étude montre une adoption progressive mais inégale. Une minorité avance vite : 11 % d’utilisateurs réguliers, 30 % de ponctuels, et dans cette tranche, 94 % affirment que l’IA booste leur efficacité. Ce sont surtout des jeunes, des cadres, et ceux qui travaillent sur ordinateur.

Mais à l’autre bout du spectre, 28 % déclarent se sentir dépassés. Ce sont les employés, les seniors, les discrets. Ceux pour qui le jargon IA reste un bruit de fond.

Formation : grande absente du tableau

La majorité veut comprendre. 70 % des actifs expriment le besoin de mieux cerner l’IA, et 60 % souhaitent se former. Pourtant, 76 % n’ont jamais reçu la moindre formation. En entreprise, chacun bricole : 30 % utilisent librement l’outil de leur choix, et 28 % vont jusqu’à employer des outils IA personnels sans prévenir leur direction.

Ce que pointe Antoine Krajnc, CEO de Jedha, c’est l’angle mort organisationnel : « Les entreprises intègrent l’IA à leurs outils, mais laissent leurs collaborateurs se débrouiller seuls. » Traduction : pas de vision, pas de pédagogie. Juste des employés qui s’auto-équipent comme ils peuvent. Et tant pis pour la sécurité informatique.

Apprendre, oui. Mais pas n’importe comment.

La demande est claire : des formats courts, flexibles, intégrés au temps de travail. 43 % des répondants réclament une formation en ligne, à leur rythme. En moyenne, ils y consacreraient 3h20 par mois. Suspendre leur emploi pour se former ? Peu y sont prêts (27 %), sauf chez les 18-34 ans (34 %).

Pas de révolution, donc. Plutôt une attente raisonnable, réaliste : que la montée en compétence soit considérée comme une condition de travail, pas une option à bricoler sur son temps libre.

Derrière l’IA, une culture managériale à revoir

Ce que révèle l’étude, ce n’est pas un fossé technologique, mais un déficit d’attention. L’IA est là, mais l’acculturation manque. On implémente des outils sans préparer les usages. On laisse filer les initiatives sans cohérence globale. Résultat : le Shadow IT s’installe, les équipes avancent à l’aveugle, et la défiance gronde.

81 % des actifs croient qu’on peut apprendre à mieux utiliser l’IA. Mais ils attendent un signal. Pour l’instant, ils bricolent.