Le numérique occitan à la croisée des chemins : entre essor confirmé et pari sur l’IA

Malgré 131 000 emplois et une deuxième place nationale, la dynamique de l’économie numérique en Occitanie s’essouffle. La région, longtemps propulsée par le boom post-Covid, voit ses courbes fléchir. Mais dans l’ombre du ralentissement, un nouvel espoir prend forme : l’intelligence artificielle.

Ils sont 131 000, disséminés dans les open-spaces de Toulouse, les couloirs vitres fumées des centres R&D de Montpellier, ou encore les serveurs distants d’entreprises de Rodez ou de Montauban. 131 000 emplois, c’est le poids du numérique en Occitanie selon les derniers chiffres de l’INSEE et de la DREETS publiés ce 12 juin. Une photographie précise, presque clinique, d’une économie qui, bien que toujours solide, commence à montrer quelques signes de faiblesse.

La donnée n’est pas anecdotique. Avec 8 milliards d’euros générés par le secteur et près d’un emploi marchand sur dix relevant du numérique, l’Occitanie s’affirme comme un bastion national de la Tech. Toulouse, Montpellier et une poignée d’autres villes structurent un écosystème dense, encore porté par l’élan post-Covid mais désormais confronté à de nouvelles frictions.

L’étude, dévoilée mi-juin par l’INSEE Occitanie, consacre la région comme la deuxième de France en nombre d’emplois dans le numérique, derrière l’Île-de-France. Cette médaille d’argent, la région la doit à une progression nette : +33 400 emplois créés entre 2016 et 2022. La part belle revient aux métiers de la programmation, du conseil et des services informatiques, moteurs discrets mais puissants de la transformation économique.

« Ce n’est pas une surprise. On a la chance de bénéficier à la fois d’acteurs comme Digital 113 et La Mêlée, et d’un bassin d’emploi très attractif », commente Maxime Buscato, Directeur Délégué de la French Tech Toulouse, dans les colonnes de France 3 Occitanie. En clair : des réseaux actifs, une culture tech bien implantée, et un tissu économique qui s’est modernisé en profondeur.

Toulouse tire la locomotive. Avec 74 000 emplois, soit plus de la moitié de la filière régionale, la Ville rose concentre à elle seule 56 % de l’emploi numérique. Elle devance Montpellier, autre moteur, et quelques bastions plus inattendus comme Montauban où l’IMSA (informatique de la Mutualité Sociale Agricole) emploie à elle seule 2 100 personnes.

Mais le tableau, à y regarder de plus près, se nuance. Car si l’année 2022 marque un sommet, les signaux plus récents sont moins euphoriques. Dès 2023, l’emploi salarial dans le secteur recule légèrement (-0,3 %), avant une chute plus nette en 2024 (-3 %). Un ralentissement qui s’explique, selon l’INSEE, par la baisse des investissements dans les services d’information et de communication, eux-mêmes affectés par la hausse des taux d’intérêt et le climat d’incertitude économique. Un constat que partage Maxime Buscato, dès la fin 2024 : « Le secteur des start-up à Toulouse est fébrile. L’instabilité politique ralentit la dynamique d’investissement ». Autrement dit, après le temps de la croissance, celui des doutes ?

Pas tout à fait. Car si la conjoncture pèse sur l’ensemble de la filière, un segment résiste mieux que les autres : l’intelligence artificielle. L’étude révèle ainsi la création de 300 entreprises spécialisées en IA, pesant déjà 5 000 emplois et 540 millions d’euros de chiffre d’affaires fin 2023. Une donnée qui, si elle reste modeste à l’échelle globale, trace une trajectoire prometteuse pour l’avenir.

« L’Occitanie devient un écosystème public et privé de premier plan en intelligence artificielle », conclut l’INSEE. Une affirmation prudente, mais porteuse d’un espoir bien réel. Car dans une période où les moteurs traditionnels semblent caler, la Tech régionale pourrait trouver dans l’IA un second souffle. Encore faut-il que les conditions de financement suivent.

La région serait donc à un tournant. Ni en plein déclin, ni dans un simple creux conjoncturel, mais au milieu d’une phase de recomposition, où les courbes d’emploi cessent de grimper et où les perspectives d’avenir se recentrent sur de nouveaux leviers. Le numérique occitan n’a pas dit son dernier mot. Il cherche simplement la bonne clé pour passer la vitesse supérieure.