Toulouse Tech University : « Une alternative constructive » pour placer Toulouse au niveau mondial


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L’initiative ébranle le milieu universitaire toulousain. Dans le cadre de l’appel à projets Excellences du PIA4, l’Université Toulouse 3 Paul-Sabatier, la TSE (Toulouse School of Economics) et l’Isae-Supaero unissent leur force pour déposer un projet conjoint baptisé Toulouse Tech University (TTU).

Annoncé en septembre 2020, le 4e Programme d’investissements d’avenir (PIA4) est doté de 20 milliards d’euros sur cinq ans. La nouvelle structure Toulouse Tech University (TTU) bénéficierait d’un financement de 40 millions d’euros sur huit ans mais son objectif premier est de contrer le « déclassement universitaire annoncé de Toulouse ». Pour rappel, Toulouse a raté en 2016 le label Idex, doté de 750 millions d’euros, dont le but est de créer en France des universités de rang mondial. Un échec dont la communauté universitaire ne s’est toujours pas remise.
L’initiative TTU veut relancer la dynamique. Elle se pose en alternative à la Comue expérimentale (Communauté d’universités et établissements), portée par l’Université fédérale de Toulouse-Midi-Pyrénées, qui ne prévoit pas de fusion entre les établissements. Explications avec Christian Gollier, le directeur de TSE (composante d’UT1 Capitole), qui porte ce projet.

Christian Gollier, pouvez-vous détailler le projet TTU et, avec lui, votre ambition pour Toulouse de rejoindre le club fermé des 100 meilleures universités mondiales, aux côtés de Caltech ou du MIT aux États-Unis ?
Depuis le lancement de notre projet il y a quelques jours, cette question de fond est peu abordée dans le débat. Oui, Toulouse dispose d’un capital humain de tout premier plan pour construire une grande université attractive de rang mondial. Dans l’aéronautique, la chimie, les mathématiques, l’économie, le droit, il y a des compétences d’enseignement et de recherche d’excellente qualité mais qui se retrouvent dans un système institutionnel épouvantable. La France a construit un système universitaire fragmenté unique en son genre. Partout ailleurs dans le monde, chaque université couvre l’ensemble d’un champ disciplinaire. Ici, à Toulouse, les économistes sont regroupés avec les juristes. Mais ne créeraient-ils pas plus de valeurs sociétales en se rapprochant aussi d’ingénieurs, de mathématiciens, de biologistes, de médecins ou d’écologues qui ne sont pas dans notre université ?
TTU est un investissement dans les synergies de la communauté scientifique toulousaine. Sous la forme d’un EPE (Établissement public expérimental) qui se substituerait à UT3, elle proposerait des programmes multidisciplinaires en résonance avec les défis sociétaux et technologiques, à la manière des grandes universités américaines de premier plan.*
Toulouse a pris beaucoup de retard face à d’autres villes françaises, comme Paris, qui rassemble sur le plateau de Saclay des institutions pour élargir leur éventail disciplinaire. Or, cela crée une marque forte reconnue internationalement et attractive pour des étudiants étrangers. TSE est visible en économie mais elle n’appartient pas à une grande université de recherche en France, ce qui représente un handicap dans la compétition mondiale. Et, rien qu’en regroupant UT3 et TSE, mécaniquement, nous serions propulsés au rang 100 ou 150 dans les classements internationaux universitaires.

Concrètement, à quoi les 40 millions d’euros de dotation seraient-ils alloués ?
Ils serviraient à financer principalement deux programmes. Un premier qui concerne l’attractivité de la recherche. Nous souhaitons proposer les meilleures conditions pour faire venir à TTU des professeurs et chercheurs d’excellence. Pour cela, nous voulons améliorer les offres, offrir des équipements de pointe, développer une expérience, valoriser les salaires, mettre à disposition des post-doctorants, des assistants de recherche, financer des voyages d’études, etc.
Et l’autre programme consiste à financer un système de bourses d’excellence destinées aux meilleurs étudiants qui voudraient intégrer TTU. Une pratique qui nous permettrait de lutter à armes égales avec d’autres grandes universités de recherche du monde qui l’ont déjà mise en place depuis longtemps.

L’initiative TTU n’est-elle pas un putsch de la communauté scientifique de Toulouse ? Car UT1 Capitole, dont TSE fait partie, et UT2 Jean-Jaurès, n’approuvent pas ce projet. Ils soutiennent a priori la Comue expérimentale de l’Université fédérale de Toulouse-Midi-Pyrénées (regroupement de 31 établissements d’enseignement supérieur et de recherche de la région).
De manière générale, en France, il y a une vraie peur de la prise de contrôle des grandes universités de recherche par les sciences dures qui opprimeraient les sciences sociales. C’est probablement pourquoi UT2 n’a pas d’appétence pour aller vers un projet fédérateur. Mais non, notre initiative n’est pas un putsch, c’est une solution alternative constructive à la Comue expérimentale. Et ce, d’autant qu’elle crée les conditions de la confiance en donnant le pouvoir à un Conseil d’administration qui ne représenterait plus les composantes de TTU, qui dépasserait les querelles de clochers et représenterait l’intérêt général avec des personnalités indépendantes, motivées par la force de la marque Toulouse Tech University.

« Faire de Toulouse Tech University un moteur du dynamisme académique et économique de la région »

Nous pensons par exemple au PDG d’Airbus, au président du CNRS, à un grand médecin non-toulousain. L’idée est de faire de Toulouse Tech University un moteur du dynamisme académique et économique de la région. Il faut savoir que, contrairement à nous, l’Université fédérale de Toulouse-Midi-Pyrénées n’a pas encore mis sur la table son projet de Comue expérimentale de manière ouverte. Quelle autorité aura cette dernière sur les universités ? En reste-t-on à un millefeuille académique d’universités, avec leurs facultés propres, conservant leur personnalité morale et leurs prérogatives ? À partir de quelques documents préliminaires, la faculté de droit, TSE et la Toulouse School of Management ont alerté le président d’UT1 Capitole, qui soutient la Comue expérimentale, sur ses dangers. Notamment celui de transférer l’autorité d’UT1 vers une organisation dont la gouvernance ne donne aucune garantie sur la qualité des décisions prises.

Les deux projets, TTU, et celui de la Comue expérimentale de l’Université fédérale de Toulouse-Midi-Pyrénées, pourraient-ils être envoyés en réponse à l’appel à projets du PIA4 ?
Oui, en théorie. La date de clôture des dossiers est fixée au 1er février 2022. Or, pour statuer, les conseils d’administration des différentes universités doivent avoir reçu les dossiers quinze jours auparavant, c’est-à-dire aujourd’hui ou demain. Mais, à ce jour, nous n’avons toujours pas d’information sur la réalité des transferts d’autorité de chacune des universités vers cette Comue expérimentale, ce qui est un vrai problème démocratique.
Propos recueillis par Isabelle Meijers

Sur la photo : Christian Gollier, directeur de TSE, UT1 Capitole. Crédit photo : TSE Pictures.