Wine Connect : le numérique taille sa vigne

29 avril, Montpellier, 5e édition de Wine Connect. Des vignerons en quête de solutions, des start-ups en quête d’écoute, et entre les deux, quelques QR codes, un soupçon d’intelligence artificielle et une poignée de convictions bien enracinées. Sur fond de climat incertain et de consommation vacillante, l’événement orchestré par La Mêlée, Ad’Occ et Vinséo trace une ligne claire : la transformation numérique du monde viticole ne sera ni abstraite, ni lointaine. Elle sera pratique ou ne sera pas.

Il est 9h du matin, et déjà les mots « CRM », « interopérabilité » et « IA » fusent à travers les rangées de la Cité de l’Économie et des Métiers de Demain. Le décor est planté. Un public de vignerons, de consultants, de producteurs et d’éditeurs de solutions numériques venu scruter ce que le digital peut concrètement changer à leur quotidien, parfois rude, souvent solitaire.

« Le digital peut vraiment faciliter la vie des vignerons », affirme Anne Schoendoerffer, journaliste spécialisée et ambassadrice infatigable de l’univers viticole depuis plus de vingt ans. C’est elle qui ouvre la table ronde du matin, dans une assemblée où se côtoient experts de terrain, chercheurs et entrepreneurs. Parmi eux, Patrick Armengaud (INRIA), Anthony Clenet (ICV), Clémence Fabre (Famille Fabre), ou encore Bruno Le Breton (Maison Le Breton), tous venus débattre de ce que l’innovation a dans le ventre.

Du capteur au consommateur : le numérique sur toute la ligne

Ici, on parle de données comme d’un trésor enfoui sous les pieds des exploitants, et encore trop peu exploité. Célia Ricca, de La Wine Tech, enfonce le bouchon : « La donnée, c’est une mine d’or. Elle est déjà là, dans les fichiers, les logiciels, les factures. Il ne reste plus qu’à l’utiliser intelligemment. »

Une évidence ? Pas tout à fait. Car l’enjeu n’est pas technologique, il est humain. Comprendre ses besoins, poser une stratégie, choisir les bons outils, former les bonnes personnes. « Beaucoup de vignerons foncent tête baissée, sans avoir défini ce qu’ils cherchent à améliorer. Le numérique ne remplace pas la réflexion stratégique », tempère Anne Schoendoerffer.

Sur le terrain, certaines initiatives tracent déjà leur sillon. Clémence Fabre, vigneronne bio du Languedoc et 16e génération de la famille éponyme, en sait quelque chose. À Wine Connect, elle est venue chercher de l’inspiration et repart avec des idées plein le carnet. « On travaille sur le B2C et la création d’une communauté engagée. Le numérique a changé notre rapport aux clients, surtout à l’international. L’IA, je ne pensais pas que ça pouvait servir à fixer des rendez-vous ou faire des présentations. Et pourtant… » Il y a deux ans encore, elle venait en simple curieuse. Aujourd’hui, son domaine bénéficie d’un programme de digitalisation lancé grâce à l’édition précédente.

Du vin au lien : quand la bouteille parle toute seule

Le salon, ce sont aussi des start-ups venues montrer leurs solutions à coup de pitchs et de démos. Parmi elles, Wine QR Code, portée par Marc Lemaire et Antoine Bouchard, propose un outil simple : un QR code collé sur une bouteille pour raconter l’histoire du vin, du domaine, et surtout du vigneron. Ni note, ni prix, ni notation : juste un lien direct, à la première personne, entre celui qui produit et celui qui boit.

Une approche pensée pour un public souvent oublié de la filière : les 18-35 ans. « Cette génération a décroché du vin. Elle veut du sens, de l’authenticité, pas du jargon œnologique ou du storytelling fabriqué. Le QR code, c’est une porte d’entrée douce et personnalisable », explique Marc Lemaire. Et pour ceux qui n’ont pas le temps ou l’envie de gérer un site web ? « On guide, on simplifie, on accompagne. Le contenu se crée via un formulaire pas à pas. »

Des vignerons curieux, des solutions concrètes, un langage à inventer

La journée se poursuit en ateliers : IA et export, affichage nutritionnel, CRM, communication, œnotourisme… L’objectif : faire toucher les outils du doigt, démystifier les sigles, et mettre en lumière ceux qui avancent. « C’est une journée de sensibilisation, mais en novembre, on passe à l’action », annonce Marie Daigneaux, chef de projet chez La Mêlée. Elle fait référence au Vinackathon, sorte de hackathon appliqué aux vignerons, où chaque participant vient avec un problème concret et repart avec une feuille de route et des solutions adaptées.

Les défis sont là, bien sûr : fragmentation de la filière, manque de temps, peur de mal faire. Mais l’envie aussi. Celle d’apprendre, d’expérimenter, de ne pas subir. Celle de parler le langage de demain sans perdre son accent d’origine.