Comment la jeune pousse Vortex-io veut démocratiser les données sur l’eau douce

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ToulÉco

La jeune entreprise toulousaine Vortex-io s’apprête à fortement renforcer son maillage de capteurs observant les cours d’eau. En s’engageant dans le projet d’hydrologie spatiale HydroVenture, elle cherche à consolider une panoplie de services susceptible d’atteindre une très large clientèle.

Dans un monde où la gestion et la préservation de l’eau sont devenus des enjeux majeurs dans presque tous les secteurs d’activité, s’impose la nécessité d’observer avec précision les principales sources d’eau douce disponibles. Parmi elles, les fleuves et rivières, qui fournissent une grande partie de l’eau nécessaire à la consommation de chacun, mais aussi à l’agriculture, la production d’énergie ou encore l’industrie. C’est en partant de ce constat d’un besoin de connaissances sur le comportement des cours d’eau, dans un contexte de risque climatique grandissant, que Guillaume Valadeau et Jean-Christophe Poisson ont décidé de créer l’entreprise Vortex-io, en 2019. Après une quinzaine d’années à travailler dans l’observation des océans par satellite, ils ont voulu porter un projet de récolte de données en hydrologie continentale. [1]

« On s’est rendu compte qu’il y avait un réel besoin de récolter des données multiples sur l’eau douce », conte Guillaume Valadeau, président de la structure. « Ces informations permettent d’avoir une meilleure compréhension de la ressource, et donc de mieux la gérer ».Une fois analysées, les données sont utilisées pour anticiper le comportement des cours d’eau. Ces prévisions, similaires à celles de la météo, permettent aux différents acteurs économiques utilisant la ressource en eau de réagir en conséquence : dans le cas d’un événement climatique extrême tel qu’une inondation, les pouvoirs publics pourront limiter les dégâts a priori, tandis que les assureurs auront une meilleure vision du coût de la catastrophe. Très diversifiée, la clientèle de Vortex-io comprend des agences spatiales comme des acteurs du secteur hôtelier, en passant par les collectivités territoriales ou les centrales hydroélectriques.

De la pose du capteur au traitement des données

Pour réaliser ses relevés, la start-up utilise des micro-stations de mesure positionnées au plus près des cours d’eau : elles effectuent des mesures dites in situ. Ces instruments, qui réutilisent les technologies employées dans l’observation spatiale, permettent d’obtenir une batterie d’informations très précises sur leur objet d’étude, mais ont besoin d’être déployés en grand nombre pour donner une vue d’ensemble. « On peut mesurer divers éléments tels que la hauteur d’eau, le débit, la température ou encore quantité de précipitations », expose Guillaume Valadeau. « Ça nous a permis de mettre en place le premier service de prévision des cours d’eau en temps réel. Nous nous apprêtons à encore étendre son ampleur, en déployant un millier de nouveaux capteurs en 2024, en France et en Croatie ».

L’entreprise toulousaine cherche à se différencier des autres acteurs de l’hydrologie en proposant un service plus complet que ce qui est habituellement proposé. « On ne vend pas simplement un capteur, mais tout un service, clé en main, comprenant jusqu’à la distribution de la donnée », détaille le président de Vortex-io. « Le client n’a pas à se soucier pas du choix du matériel, ni de son installation. Il paye l’accès au flux de données en temps réel, et non le prix de l’équipement, à la manière de ce qui est fait par les fournisseurs d’accès à Internet ». Une plateforme dédiée, Maelstrom, fournit les données au client, afin d’assurer « la précision et la continuité du service », tels que décrits par Guillaume Valadeau.

Un développement accéléré par un programme européen

Celui-ci ajoute que, malgré plusieurs maintenances à effectuer chaque année, le coût du service reste abordable : entre 100 et 200 euros par mois et par capteur. « En automatisant tout ce qui peut l’être dans les micro-stations, on parvient à proposer des prix à un niveau cinq à dix fois inférieur à ce qui se fait en général dans la récolte de données hydrologiques », assure-t-il.

Ce modèle économique assure pour l’instant une croissance solide à Vortex-io, qui est à l’équilibre financier depuis sa création. Lauréate de l’EIC Accelerator, un programme de la Commission européenne, elle a pu réaliser dix-neuf nouvelles embauches en 2023, alors qu’elle ne comptait que treize salariés au début de l’année. L’apport financier de ce programme a également permis au produit d’exploitation du groupe d’atteindre 1,3 million d’euros l’an passé, et le chiffre d’affaires devrait s’approcher des 2 millions d’euros en 2024.

HydroVenture, un moyen d’élargir l’expertise

Pour poursuivre son développement, Vortex-io mise notamment sur une synchronisation accrue entre les mesures in situ et l’observation par satellite. C’est dans cette perspective que l’entreprise s’est positionnée au sein du groupe d’entreprises françaises qui a lancé ces dernières semaines le centre opérationnel HydroVenture, premier centre opérationnel d’hydrologie spatiale. « Je pense que pour faire face aux enjeux du changement climatique, un système économique fortement concurrent n’est pas viable », justifie Guillaume Valadeau. « On a besoin de fédérer l’ensemble des compétences industrielles, en particulier en hydrologie spatiale, pour créer des solutions nouvelles répondant à des enjeux internationaux ». Le projet, visant à combiner les mesures à différentes échelles en s’appuyant notamment sur un grand nombre d’observations faites depuis l’espace, a vocation à s’ouvrir rapidement à des partenaires internationaux, notamment dans l’UE.

L’initiative HydroVenture élargit le champ des possibles de Vortex-io, en complétant sa proposition de valeur. « Les solutions d’observation in situ et spatiale se complètent très bien, dans le cadre des bassins versants de grands cours d’eau par exemple », explique Guillaume Valadeau. « HydroVenture crée un nouveau spectre, avec un nouveau marché. Cela devrait aussi nous aider à apporter d’autres compétences ». La start-up a l’ambition de s’adapter aux besoins de ses clients, en complétant son offre avec d’autres types de mesure si nécessaire. Elle envisage entre autres de collaborer avec des ONG, et d’intégrer des mesures de qualité de l’eau à ses services.
Rubben Michavila

Sur la photo : Guillaume Valladeau, président, et Jean-Christophe Poisson, directeur général de Vortex-io. Crédits : DR.

Notes

[1] L’hydrologie continentale s’intéresse à l’eau douce présente sur les masses terrestres, et non aux mers et océans.