A force de se focaliser sur l’expérience client, les commerçants ne finissent-ils pas par oublier qu’il existe une expérience vendeur ? C’est la question que soulève Nicolas Misiak, co-fondateur et patron du concepteur de robots Ublu.
Plusieurs tables rondes et conférences sur les évolutions du e-commerce et du retail connecté ont eu lieu dans le cadre de la Mêlée Numérique. Parmi elles, il y a eu l’intervention remarquée de Nicolas Misiak, co-fondateur et patron du concepteur de robots Ublu. « Les acteurs du retail sont focalisés sur l’expérience client, au point d’en oublier qu’il faut largement repenser l’expérience vendeur. » Selon lui, la place de l’humain dans la vente est menacée, mais elle n’est pas appelée à disparaître complètement : « On estime que l’on arrivera à une sorte de point d’équilibre, avec 30% des tâches pour les robots et 70% pour l’humain », précise Nicolas Misiak. Les quatre principaux types d’actions dans lesquels les robots peuvent accroître leur action sont l’accueil et le guidage des clients (« ce travail peut représenter jusqu’à 30% du temps d’un commerçant », estime Nicolas Misiak »), le conseil, la commande et le paiement, puis la livraison. Pour ces différents travaux, Nicolas Misiak affirme qu’il sera impossible d’atteindre un taux de robotisation de 100%. Pour défendre cette analyse (à priori surprenante lorsqu’elle est formulée par un concepteur de robots), il cite la théorie de la « vallée dérangeante », précisée dans les années 1970 par le roboticien japonais Masahiro Mori. Selon cette théorie, plus un robot a une forme humanoïde, plus l’attente est forte. « Cela se vérifie de plus en plus, d’année en année », explique Nicolas Misiak. Pour illustrer cette évolution, il cite le cas du premier robot « licencié » (en l’occurrence, le terme est impropre). Il s’agit d’un modèle Pepper, testé par un grand magasin écossais, à Edimbourg. Les nombreux bruits parasites émis dans une grande surface amenaient le robot à faire répéter aux clients leurs questions plusieurs fois, mécontentant ainsi nombre d’entre eux.
En ce qui concerne la facturation et les caisses automatiques, qui s’apparentent à des robots non humanoïdes, elles ne représentent encore que 3% des paiements dans les grandes surfaces, mais progressent très rapidement. Decathlon a fortement investi pour doter tous ses articles de puces RFID et de caisses automatiques capables de les lire. Si cette solution aurait permis à l’enseigne – en théorie – de se passer complètement d’humains aux caisses, ce n’est pas le choix retenu : un système mixte « humains+ caisses automatiques » reste en place. « Ce choix peut notamment être expliqué par la volonté de l’enseigne de conserver le meilleur moyen de mesurer la satisfaction immédiate du client, qui est l’analyse par un humain. Decathlon a également fait ce choix pour le conseil : plutôt que de remplacer les conseillers par des robots, il dote ses conseillers d’outils numériques toujours plus performants ».
Dernier point : la livraison. « il n’est pas réaliste d’imaginer que nous serons livrés par des nuées de drones », estime Nicolas Misiak. Le développement des livraisons réalisées par des robots « roulants » semble selon lui plus plausible, comme semble l’indiquer l’investissement de 16,5 millions d’euros de Daimler dans Starship.
Enfin, Nicolas Misiak prévoit un fort développement du commerce physique chez les géants du e-commerce, « ce qui les amènera à recruter, sinon des vendeurs, de nombreux conseillers ».
« Les robots ne vont pas prendre toute la place, mais ils seront de plus en plus présents : le coût d’un robot baisse de 26% par an en moyenne et la croissance du chiffre d’affaires de la filière reste supérieure à 10% par an », conclut Nicolas Misiak.
Pascal Boiron, MID e-news