La société toulousaine Genoskin vient de lever 8 millions d’euros pour accélérer le développement de ses modèles de peau humaine ex vivo. Objectif : offrir à l’industrie pharmaceutique et biotechnologique une alternative éthique et prédictive aux tests sur les animaux, tout en préparant une expansion internationale avec de nouveaux sites aux États-Unis et en France.
Le 16 septembre 2025, entre Toulouse et Salem, Genoskin a annoncé une levée de fonds de 8 millions d’euros. Un chiffre qui ne dit pas tout, mais qui donne une idée de la vitesse à laquelle l’entreprise veut changer les règles du développement pharmaceutique. Son terrain de jeu n’est ni le laboratoire imaginaire des séries télévisées, ni les champs de souris transgéniques, mais la peau humaine, maintenue vivante hors du corps pour servir de modèle expérimental.
Fondée il y a une quinzaine d’années, Genoskin s’est positionnée comme le premier CRO¹ à développer des modèles de peau humaine ex vivo pour tester médicaments injectables et dispositifs médicaux implantables. Le principe est simple à énoncer et complexe à réaliser : récupérer des dons de peau, les conserver grâce à une technologie propriétaire, et les transformer en plateformes capables de rester viables une semaine entière. De quoi mener des essais bien plus prédictifs que ceux effectués sur des rongeurs.
La levée de fonds a été menée par OCCTE² via son fonds Occidev Impacts, accompagnée par Captech Santé, GSO Innovation et CA Toulouse 31 Initiatives. Dans le détail, 5 millions proviennent d’investissements en capital et 3 millions de financements non dilutifs mobilisés par Bpifrance et un trio bancaire³. L’ensemble doit alimenter une stratégie claire : accélérer la croissance internationale, doubler les effectifs en trois ans, et préparer deux nouveaux sites de production, à Salem dès 2026⁴ puis à Toulouse en 2027⁵.
Au-delà de l’infrastructure, Genoskin prévoit d’élargir son champ scientifique. Les services en immunologie sont attendus pour 2027, avec de nouvelles plateformes de biosimulation et des modèles d’immunité humaine. L’entreprise vise aussi l’automatisation de ses installations et une production accrue, y compris la livraison express de mastocytes aux États-Unis. Bref, la montée en puissance n’est pas une promesse floue, mais une feuille de route calibrée.
Pascal Descargues, directeur général, résume l’esprit du projet : « Grâce à ce financement, Genoskin dispose désormais des ressources nécessaires pour une montée en puissance globale. Avec l’éthique comme fondement de notre innovation, nous sommes fiers de proposer une alternative durable et pertinente aux tests sur les animaux. » Le mot est lâché : éthique. Il irrigue le discours de l’entreprise autant que ses modèles cutanés irriguent la recherche pharmaceutique.
L’enjeu dépasse d’ailleurs le cas de Genoskin. Le marché des essais non cliniques, estimé à 108,6 milliards de dollars en 2025, devrait grimper à 155,4 milliards en 2034, stimulé par la recherche de solutions pour sortir de l’expérimentation animale. Les régulateurs serrent la vis, les laboratoires cherchent des alternatives, et l’équation économique comme morale plaide pour des modèles humains fiables et reproductibles.
C’est sur ce terrain que Genoskin avance ses pions. Ses modèles génèrent des données riches, issues d’approches multi-omiques et passées au crible de l’intelligence artificielle. Le résultat : des informations translationnelles utiles pour accélérer les parcours réglementaires et sécuriser les futurs traitements. Un avantage qui attire déjà les grandes pharmas, mais aussi des acteurs des cosmétiques ou des thérapies cellulaires et géniques.
Les investisseurs ne s’y trompent pas. « La technologie de Genoskin offre une alternative éthique et évolutive à l’expérimentation animale et la stratégie de croissance de l’entreprise correspond parfaitement à nos valeurs », souligne Julien Gomis, d’OCCTE. Chez Captech Santé, Alexandre Demailly va plus loin : « Genoskin est en mesure de définir de nouveaux standards mondiaux dans le développement des médicaments injectables. »
Derrière ces formules convenues se dessine une tendance lourde : la science veut moins de souris et plus de peau. Et si, d’ici quelques années, les biothérapies parviennent plus vite et plus sûrement aux patients, on se souviendra peut-être qu’un morceau de l’histoire s’est écrit entre un laboratoire toulousain et une usine de Salem.
Notes
- Toulouse : usine de 1 000 m² prévue pour 2027.
- CRO : Contract Research Organization (organisme de recherche sous contrat).
- OCCTE : société de gestion de portefeuille, via son fonds Occidev Impacts.
- BNP Paribas, Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées et Crédit Agricole.
- Salem : usine de 700 m² prévue pour 2026.
