L’importance du numérique pour les seniors
L’arrivée des Baby-Boomers dans la catégorie Papy-Boomers a créé de profondes mutations aux niveaux démographiques, sociétaux et économiques. L’éloignement du numérique est cependant encore trop fréquent pour cette part de la population.
L’usage du numérique pour les personnes de plus de 60 ans
L’âge reste l’une des principales causes d’éloignement du numérique : 66 % des non-internautes ont plus de 65 ans[1] et 53,2 % des personnes de plus de 75 ans ne disposent d’aucun accès à Internet depuis leur domicile, quel que soit le type d’appareil[2]. Néanmoins, la fracture du numérique chez les seniors, bien qu’elle soit toujours tangible, diminue d’années en années[3].
Les facteurs d’éloignement du numérique des seniors
L’éloignement du numérique des seniors résulte de plusieurs facteurs :
- L’usage générationnel et culturel :
Beaucoup de seniors, et notamment ceux de plus de 70 ans, découvrent le numérique seulement aujourd’hui. Principalement en cause la faible présence d’ordinateur dans les emplois avant les années 2000-2010. Le numérique est d’autant plus un enjeu pour certaines femmes, nées avant 1945, qui culturellement étaient peu habituées à prendre en main des outils technologiques.
- Les zones blanches :
Certaines zones rurales, peu équipées, ont complexifié l’usage du numérique, comme nous l’a expliqué Xavier Martial, intervenant auprès de l’association CLIC Pays des Gaves en tant qu’animateur d’ateliers numériques vers l’autonomie pour les seniors, lors d’un entretien que nous avons effectué pour cet article. Même si le réseau s’étend de plus en plus, l’accès à la connexion reste compliqué dans les zones de montagnes.
- La peur de l’inconnu :
Le sentiment d’inconnu peut amener à un refus du numérique de la part de certaines personnes. D’après l’étude du CREDOC de 2019, seulement 52% des plus de 70 ans trouvent une utilité à Internet contre 95% des 25/39 ans. Xavier Martial constate d’ailleurs que la peur de l’inconnu freine l’apprentissage du numérique : « pour les personnes au-dessus de 75 ans qui sont réfractaires à ce qui est numérique, il faut leur expliquer qu’il y a une utilité comme pouvoir communiquer avec leur entourage ».
- Les handicaps :
Enfin il ne faut pas oublier que les personnes âgées peuvent cumuler plusieurs handicaps (visuel, moteur, auditif, cognitif). L’accessibilité du Web n’est pas encore chose commune, les design et outils ne sont pas toujours adaptés, et peu de sites sont inclusifs. Il est donc difficile d’accéder à internet lorsqu’on a un handicap.
Les trois types de publics chez les seniors éloignés du numérique
Nous avons identifié trois types de publics chez les seniors éloignés du numérique, pour qui un accompagnement spécifique semble nécessaire pour diminuer la fracture numérique.
- Les seniors qui ne comprennent pas l’utilité du numérique :
Le numérique permet de lutter contre l’isolement des seniors. Garder un contact social est très important pour eux. Les applications de messagerie, emails et réseaux sociaux restent le plus important à leur apprendre, pour leur permettre de maintenir un contact continu avec leurs proches et développer leur lien social. Ce besoin à d’autant plus été relevé lors de la crise du COVID-19. Beaucoup de personnes âgées se sont retrouvées encore plus isolées qu’avant à cause de leur incompétence face au numérique. Cependant Xavier Martial nous dit sur une note plus positive que « peut être que la crise du COVID aura bousculé certaines personnes qui étaient réticentes à se former au numérique ».
Un autre aspect non négligeable du numérique pour les seniors est l’autonomie. Grâce aux courses en ligne, aux prestations sociales et à l’administration digitalisées, le numérique évite aux seniors d’être contraints de vivre dans des structures adaptées, et favorise ainsi le « bien vieillir » et le lien social.
- Les seniors qui ne maîtrisent pas le numérique :
Certaines personnes âgées n’ont jamais touché un appareil numérique de leur vie, et se retrouvent perdues face à un ordinateur. La complexité des ordinateurs nécessite une certaine connaissance pouvant être acquise lors de formations.
- Les seniors qui ne se sentent pas à l’aise avec le numérique :
Les personnes âgées peuvent oublier ce qu’elles apprennent, ou ne pas être à l’aise avec cet apprentissage. Xavier Martial nous dit “Les trois quarts des gens ressortent à la fin des ateliers, mais certains ont un peu plus de difficultés à s’adapter.” De plus, il y a aussi beaucoup de personnes qui ne se sentent pas autonomes alors qu’elles ont été formées, le sentiment d’insécurité face au numérique est souvent désigné comme en étant la cause.
Les différentes solutions pour pallier à la fracture numérique des seniors
Pour aider les seniors à faire face aux problèmes qu’ils rencontrent avec le numérique, différentes solutions ont été mises en place.
- Identifier les publics éloignés et faire prendre conscience de l’intérêt du numérique pour les seniors :
Pour lutter contre la fracture numérique il faut d’abord identifier les publics éloignés du numérique. Les personnes n’ayant pas d’enfant sont d’autant plus exclues du numérique qu’elles ne sont pas accompagnées par leur famille, et n’en perçoivent pas l’utilité. Pour cela plusieurs structures ont été sensibilisées à cette thématique. C’est le cas des Centre Locaux d’Informations et de Coordination (CLIC), lieux d’accueil de proximité destinés à informer, orienter et accompagner les personnes de plus de 60 ans et leurs aidants. Pour accompagner les personnes âgées à préserver leur autonomie en favorisant le « bien vieillir », les CLICs proposent de nombreux ateliers de prévention dont des ateliers informatiques. Pour Xavier Martial il convient d’abord de redonner du sens en faisant prendre conscience de l’utilité du numérique aux seniors.
Le numérique est aussi utile pour simplifier le quotidien des seniors, comme l’intelligence artificielle qui analyse les mouvements suspects (chutes), et prévient une plateforme adaptée, le bracelet téléassistant, ou le coussin connecté qui facilite l’usage digital.
- Former les seniors au numérique :
Xavier Martial, intervenant au CLIC du Pays des Gaves, apprend aux seniors l’utilisation du numérique grâce à des séances hebdomadaires d’une heure et demie par semaine et cela pendant deux ans. D’autres structures ont aussi mis en place des ateliers numériques, c’est le cas de la FFPE à Toulouse, qui accompagne les seniors sur deux niveaux débutants (apprentissage de l’équipement informatique) et intermédiaires (démarches administratives, bonnes pratiques du numérique, etc.). AG2R a lancé en 2018 “Les Connectés” et s’assure ainsi de l’inclusion numérique des seniors en mettant à disposition des services civiques qui forment les seniors soit lors de rendez-vous individuels soit lors d’ateliers collectifs.
- Rassurer les seniors à l’usage du numérique :
Beaucoup de seniors ne se sentent pas à l’aise face au numérique. Xavier Martial les rassure grâce à un accompagnement adapté : “J’essaye au maximum par des exercices, de leur montrer qu’ils peuvent être autonomes. Plus j’avance, plus je leur fais des exercices où ils doivent prendre des initiatives seuls ”. En apprenant les bonnes pratiques du numérique, les formations luttent aussi contre l’insécurité que peut susciter le Web. D’autres solutions existent pour intégrer les seniors au numérique, c’est le cas des plateformes comme Granny Geek® qui ont été conçues spécifiquement pour répondre aux besoins des personnes âgées.
- Rendre accessible le web :
L’accessibilité du Web est aussi une innovation importante à adopter. Réduire les barrières entre l’usage du numérique et les personnes en situation de handicap en adaptant les sites aux problématiques de chacun est essentiel, notamment pour les handicaps visuels et auditifs, qui sont les plus communs chez les seniors.
La solution Lisio que nous avons présenté dans un précédent article, permet au site de proposer une version alternative pour rendre les informations accessibles à chacun.
Améliorer l’accompagnement des seniors grâce au numérique
Il existe aujourd’hui de nombreux outils digitaux qui se développent pour accompagner les aidants et professionnels dans leurs missions auprès des seniors. La e-santé a pour objectifs de déployer ces services numériques, en développant notamment la médecine connectée, en encourageant la co-innovation entre professionnels de santé, en simplifiant les démarches administratives des patients et en renforçant la sécurité des systèmes d’information en santé.
Certaines entreprises telles que la Poste s’emparent du sujet de l’accompagnement des seniors, en mettant à disposition des services tels que la téléassistance ou le dispositif “veiller sur mes parents” qui assure une présence régulière du facteur chez une personne âgée et qui envoie ensuite un SMS à ses proches.
Les outils du Plan national pour un numérique inclusif pourront eux aussi être utiles pour accompagner les seniors : le service Aidants Connect permettra aux aidants de “faire à la place de” de façon sécurisée notamment pour les démarches administratives, et le Pass numérique pourra sans doute être déployé dans les CLICs et autres structures de formation pour favoriser l’accompagnement des seniors.
En conclusion
L’éloignement des seniors face au numérique tend à diminuer, mais reste toujours problématique. On distingue quatre facteurs d’éloignement de cette population : l’usage générationnel et culturel, les zones blanches, la peur de l’inconnu, et/ou le handicap. Pourtant le numérique permet de lutter contre l’isolement des seniors et de renforcer leur autonomie. Il est cependant nécessaire dans un premier temps d’identifier les personnes éloignées du numérique et de leur faire prendre conscience de leur intérêt à utiliser le numérique, puis dans un deuxième temps de les former et de les rassurer dans leur usage. Enfin dans un troisième temps il devient impératif de continuer les efforts pour rendre accessible le Web à tous afin de lutter contre l’exclusion de toute une partie de la population. Aujourd’hui de nombreux outils digitaux se développent et de plus en plus de structures se mobilisent pour améliorer l’accompagnement et le “bien vieillir” des seniors.
Article co-écrit par Chiara Jordain et Clotilde Maury pour RhinOcc
[1] D’après l’étude « Ensemble pour un numérique inclusif » d’Emmaüs Connect, de WeTechCare et de la Mission Société Numérique
[2] D’après l’étude de l’observatoire des seniors
[3] D’après l’INSEE l’usage quasi-quotidien d’internet chez les personnes de 75 ans était de 5% en 2009. En 2019 l’usage quasi-quotidien d’internet chez les personnes de 75 ans était de 19%.