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La Région Occitanie est en train d’évaluer l’impact économique précis de la guerre en Ukraine pour les différentes filières régionales. Nadia Pellefigue, vice-présidente de la Région Occitanie en charge notamment de l’Europe et des relations internationales, analyse pour nous les conséquences d’une crise mondiale qui mobilise autant la puissance régionale que la crise sanitaire.
Nadia Pellefigue, que représente, pour l’Occitanie, l’import-export vers la Russie et l’Ukraine ?
Nous exportons pour 1,4 milliard d’euros (4 % de nos exportations) vers la Russie, dont 85 % sont des produits aéronautiques et spatiaux. Les importations russes pèsent environ 60 millions d’euros. L’export vers l’Ukraine représente 80 millions d’euros (0,2 % des exportations) et nous importons pour 13,8 millions d’euros (0,04 % des importations). Nous n’importons pas de céréales d’Ukraine car nous sommes la premier région en termes de production de blé dur en France. Les échanges avec la Russie au niveau agricole, représentent 155 millions d’euros, ce qui est faible. Pourtant, un mois après le début de la guerre, nous savons qu’il y aura des conséquences sur la filière agricole en Occitanie, notamment pour les éleveurs. Le prix de l’alimentation pour le bétail va grimper, ce qui aura un impact sur les particuliers, avec une augmentation importante attendue du prix de la viande. La semaine dernière, la tonne de blé a atteint les 400 euros ce qui est très élevé. On constate aussi une augmentation forte du prix des engrais.
Quid de l’aéronautique et du spatial ?
Pour l’aéronautique, les répercussion devraient être réduites. La crise va toutefois avoir un impact important sur les prix du titane, matériel très utilisé pour la construction. Un géant russe, VSMPO-Avisma, détient à lui seul 30 % du marché mondial. Pour le moment, les conséquences sont encore limitées pour deux raisons. Premièrement, car les contrats concernant ces matières premières sont des contrats pluriannuels. Cela permet de lisser des augmentations brutales, car ils sont couverts par ce type d’accords. Deuxièmement, les membres du Gifas [1] constituent des stocks de manière préventive. Nous ne savons toutefois pas combien de temps le conflit va durer. Une taskforce spécifique s’est donc mise en place, pilotée par le Gifas.
Pour le spatial, il y aura un impact mesuré. Le russe Soyouz a annulé des lancements depuis Korou. Nous ne sommes pas un fabricant de lanceurs en Occitanie, mais nous faisons des satellites. Deux lancements des satellites de la constellation Gallileo fabriqués en Occitanie ont été par exemple annulés. Nos deux grands opérateurs régionaux Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space vont devoir revoir complètement l’organisation et la fabrication de leurs satellites.
Dans ce contexte, comment soutenir au mieux les entreprises d’Occitanie ?
Pour pouvoir les accompagner au mieux, il faut d’abord dresser un constat le plus précis possible. Avec l’État, comme lors de la pandémie, nous sommes dans des comités de pilotage pour chaque filière. Par exemple, il y a une semaine, nous avons obtenu du préfet de coprésider une réunion sur l’impact de la crise chez les transporteurs de voyageurs et de marchandises. En échangeant avec eux, nous avons mieux saisi leurs besoins face à l’augmentation des prix du carburant. Ils sont remboursés sur facture, à trente jours. Ce qui génère actuellement un décalage de trésorerie très important. Nous pouvons agir sur le sujet. Nous sommes un marché public, nous sommes un client de plusieurs entreprises de ce secteur (transports scolaires de lycéens, etc.). Nous allons mettre en œuvre une révision de la hausse des cadres contractuels qui prend en compte la hausse des tarifs du carburant. Hausse qui a d’ailleurs été forte depuis le début de l’année mais qui s’est accélérée avec le conflit en Ukraine. Avant même la facturation, nous allons mettre en place une avance sur trésorerie de 10 % sur la réalisation du contrat.
Au-delà, nous accélérons notre calendrier sur la transformation énergétique, sur la re-motorisation vers l’éthanol et l’hydrogène. Il nous faut minimiser notre dépendance par rapport aux énergies fossiles et au gaz russe. Nous avons des demandes en ce sens vis-à-vis de l’État. Nous investissons par exemple sur le bioGNV, gaz naturel qui peut être produit par méthanisation notamment. Or, en France, l’État indexe son prix sur celui du pétrole. Cela n’encourage pas les investissements ! Nous demandons sa désindexation.
L’enjeu est donc, comme lors de la crise Covid, de se coordonner au mieux entre les différentes collectivités et l’État ?
Absolument. Il faut voir, par rapport au Plan de résilience de l’État, comment intervenir le plus efficacement possible. Pour cela, il faut avoir très en détail les caractéristiques de chaque marché. Il faut rester très lié à notre écosystème. Nous avons réactiver les dispositifs mis en place lors de la crise Covid.
Nous avions, jeudi dernier, une assemblée régionale plénière. Nous avons présenté un rapport sur les actions de solidarité à destination des populations ukrainiennes. Nous avons présenté aussi un rapport sur les impacts économiques du conflit. Mais c’était pour information et sans vote, car il n’y avait pas d’engagement budgétaire. Il nous faut mieux encore caractériser les besoins. Cela fera l’objet d’un rapport à impact financier et budgétaire d’ici un mois et demi à deux mois.
Propos recueillis par Matthias Hardoy
Sur la photo : Nadia Pellefigue, vice-présidente de la Région Occitanie en charge de l’Enseignement supérieur, de la recherche, de l’Europe et des relations internationales. Crédits : Hélène Ressayres – ToulÉco.
Une guerre dans la Cyber ?
Nadia Pellefigue a tenu à dire un mot sur le sujet de la cybersécurité : « Nous pensons que le conflit peut conduire au développement de cyberattaques. Nous faisons un gros travail avec Cyber’Occ sur les éventuelles attaques russes. Nous voulons sensibiliser au mieux les entreprises d’Occitanie avec l’aide de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). »
Notes
[1] Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales qui regroupe les grandes entreprises de ces secteurs comme Airbus, Safran, Thales, etc.