U-Space et Infinite Orbits renforcent l’élan spatial occitan

En l’espace de quelques jours, U-Space et Infinite Orbits ont annoncé deux levées de fonds d’envergure qui prolongent l’élan observé lors de la sélection French Tech 2030. Ces opérations viennent ancrer un peu plus la solidité technologique et industrielle du spatial occitan, porté par des projets concrets et une ambition parfaitement assumée.

On croyait avoir déjà bien mesuré la vigueur des entreprises spatiales occitanes lorsque, il y a deux semaines, six d’entre elles rejoignaient la sélection French Tech 2030. L’affaire semblait suffisamment éloquente pour illustrer un écosystème en mouvement continu. Puis les levées de fonds sont tombées, presque coup sur coup, comme pour rappeler que les annonces institutionnelles ne sont parfois que l’ombre portée d’un dynamisme plus profond. U-Space et Infinite Orbits viennent d’ajouter, chacune à leur manière, une couche supplémentaire à ce récit en orbite basse mais ambitions très hautes.

Le premier mouvement est venu d’U-Space, qui officialise une série A de 24 millions d’euros. Le constructeur de petits satellites, déjà soutenu en 2022, voit revenir autour de la table ses partenaires initiaux aux côtés de nouveaux investisseurs. Le message est clair: l’entreprise ne se contente plus de faire ses preuves, elle s’installe durablement sur un marché où ses premiers succès commerciaux pèsent désormais plus lourd que les promesses. La présence du ministère des Armées via son fonds Definvest, celle de Blast ou encore du fonds italien Primo Space dessinent un ensemble cohérent autour d’une même conviction: l’entreprise est prête pour une montée d’échelle qu’elle n’aurait pas pu mener seule.

La citation de François Charbonnier chez Bpifrance vient capturer l’esprit général: « Par son excellence et grâce à la qualité de ses équipes, U-Space contribue activement aux ambitions souveraines du pays dans le champ spatial. » Un compliment mesuré, certes, mais révélateur du positionnement de l’entreprise qui, avec trois satellites déjà en vol et une dizaine à livrer dans l’année, ne joue plus dans la catégorie des expérimentateurs. Skynopy opère des constellations, Look Up Space surveille les débris, Ternwaves étend les communications IoT planétaires: U-Space, elle, assemble et produit, avec une approche inspirée des méthodes de l’automobile pour tenir la cadence.

Cette cadence prend d’ailleurs un nom: l’U-Zine. Derrière ces 850 m2 de salles blanches, l’entreprise prépare une ligne capable de sortir un satellite par jour à terme. L’objectif à court terme reste plus modeste, un par semaine d’ici 2027, mais la trajectoire donne une indication assez nette du cap. Le tout est renforcé par un développement logiciel financé par la levée de fonds, destiné à fluidifier les opérations industrielles. Et puisque la conquête du marché ne s’arrête pas aux frontières, U-Space se tourne vers l’international, notamment l’Asie-Pacifique et le Moyen-Orient, où elle observe un « dynamisme technologique remarquable », selon son président Fabien Apper.

Le deuxième mouvement arrive quelques jours plus tard, porté cette fois par Infinite Orbits. L’entreprise toulousaine annonce une levée de 40 millions d’euros pour accélérer le déploiement de ses services en orbite. Son positionnement est différent, mais complémentaire: là où d’autres fabriquent des satellites, Infinite Orbits s’occupe de ceux qui sont déjà là-haut. Sa technologie de rendez-vous spatial autonome, entièrement fondée sur la vision, permet de prolonger la durée de vie des appareils. Une forme de maintenance orbitale qui, il y a encore quelques années, relevait davantage de la science-fiction que de la ligne budgétaire.

La participation du fonds européen EIC donne d’ailleurs le ton: la technologie est perçue comme un levier direct de résilience et de durabilité pour les opérateurs. Adel Haddoud, le fondateur, l’exprime avec une sobriété qui contraste avec l’ampleur des enjeux: Infinite Orbits peut répondre « aux besoins croissants des opérateurs de satellites en matière de services en orbite ». Cette confiance s’appuie sur un carnet de commandes de 150 millions d’euros, dont un contrat-cadre de 50 millions attribué par la DGA pour la surveillance de l’orbite géostationnaire. S’ajoute un accord récent avec SES, poids lourd luxembourgeois des télécommunications satellitaires.

La suite est déjà dessinée. Infinite Orbits prépare l’ouverture de bureaux dans plusieurs pays européens pour étendre sa présence et consolider sa stratégie paneuropéenne. L’entreprise, qui avait levé 12 millions en 2024, franchit ainsi un palier qui confirme ce que la sélection French Tech 2030 laissait entrevoir: l’écosystème régional n’est pas dans un cycle d’annonces, mais dans une progression tangible, nourrie par des projets industriels solides, des technologies éprouvées et un effet d’entraînement qui se lit désormais dans les chiffres.