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Eurobiomed : « La crise peut aussi donner un nouveau souffle à la filière santé d’Occitanie »
Il y aura « de la casse », oui, mais moins qu’ailleurs. La filière santé du grand sud, représentée par le pôle de compétitivité Eurobiomed, pourrait se relever de la crise avec de nouvelles perspectives. C’est le souhait d’Émilie Royère, la directrice du pôle. Entretien.
Émilie Royère, comment analysez-vous l’impact de la crise sur la filière santé d’Occitanie et Paca ?
Il va y avoir de la casse, c’est sûr. La période est difficile. Mais au regard des difficultés des autres filières industrielles, il faut raison garder. La filière santé n’est pas la plus impactée, et c’est logique. Nous avons constaté que la crise a été l’opportunité de développer – dans des délais records – des essais cliniques, des partenariats, des protocoles de recherche. Il y a eu un accompagnement de l’innovation inégalé. Si cette crise sert à desserrer l’étau réglementaire et administratif habituel, cela donnera un souffle nouveau à notre filière. D’autant plus que les citoyens ont saisi l’enjeu et l’importance de l’innovation dans la santé.
Y’a-t-il des leçons à tirer de cette crise pour la filière HealthTech ?
La crise actuelle nous amène à repenser notre autonomie sanitaire pour faire face à des crises futures. Cette autonomie passera par la nécessité de relocaliser les sites de production et de bioproduction, de matières premières, de principes actifs, d’équipements pour le soin, actuellement fabriqués hors des frontières françaises et européennes.
Vous avez sondé les entreprises membres d’Eurobiomed via un questionnaire qui a recueilli 232 réponses. Quels enseignements en avez-vous tirés ?
Comme pour d’autres filières, les questions de trésorerie et de finance sont au cœur des préoccupations des entreprises, mais on constate que les retours sont positifs concernant les outils mis en place par l’État, les Régions et les Métropoles. Ainsi 48% des entreprises indiquent des risques majeurs de trésorerie supérieurs à trois mois.
L’autre risque est bien sûr la perte de chiffre d’affaires, surtout pour les sociétés de services intellectuels, comme les entreprises de conseil en propriété intellectuelle. Nous avons (au 15 mai, NDLR ) 41% de nos entreprises qui estiment une perte significative de leur chiffre d’affaires sans péril immédiat et 17,17% avec péril immédiat de leur structure.
Y a-t-il des conséquences propres au secteur de la santé, qui comprend beaucoup d’entreprises de R&D ?
En effet il y a des risques liés à la typologie des entreprises innovantes, qui vivent sur leur capacité à faire avancer la R&D avant de pouvoir mettre un produit sur le marché. Pour elles, les retards des programmes de R&D font courir un risque important, ainsi que la difficulté à se procurer les matières premières, la fermeture des centres de recherche partenaires, etc. Leur retard met également en péril certains de leurs financements en provenance de programmes nationaux ou européens. On constate aussi une situation contrastée sur les levées de fonds : on a des tours de table qui se concluent en ce moment, preuve que tout n’est pas arrêté. Mais les entreprises qui n’avaient pas commencé les discussions avec les investisseurs avant le confinement se retrouvent en difficulté de fond propres.
Y a-t-il des sociétés qui ont tiré leur épingle du jeu ?
Les entreprises qui font du service à destination de la R&D en biotechnologie ou pharmaceutique, ont vu leur activité augmenter en raison de la crise. Cela représente 10 à 15% de nos adhérents. C’est logique, car on parle d’une augmentation de l’activité du secteur pharmaceutique de l’ordre de 2 à 3%. En parallèle de ça, beaucoup d’entreprises se sont fortement investies dans l’innovation Covid-19. Il y a les industriels qui ont reconverti leurs productions vers le gel hydroalcoolique mais ce n’est pas le gros de l’activité des industriels. L’apport essentiel de nos entreprises a été de se mettre à travailler sur des solutions innovantes contre le coronavirus, qu’il s’agisse de diagnostics médicaux, de thérapies ou de solutions numériques pour aider les établissements de soins, les patients, les aidants, etc.
Propos recueillis par Sophie Arutunian