La souveraineté numérique demeure un enjeu brûlant pour l’Europe. Caroline Comet-Fraigneau, Vice-Présidente d’OVHcloud France-Benelux et Afrique-Moyen-Orient, a profité de la Nuit des Réseaux pour expliquer comment son entreprise s’efforce de renforcer cette autonomie, malgré les défis posés par les législations extraterritoriales américaines et les divergences intra-européennes.
La souveraineté numérique est-elle un concept obsolète ou une nécessité impérative ? Cette question, au cœur des débats de la Nuit des Réseaux, organisée par La Mêlée, trouve une résonance particulière dans les propos de Caroline Comet-Fraigneau, qui souligne que la souveraineté est loin d’être un concept dépassé. « La crise du Covid a remis en lumière l’importance de l’autonomie sanitaire, et la guerre en Ukraine a soulevé des questions sur la souveraineté énergétique », explique-t-elle. Pour OVHcloud, l’indépendance technologique devient cruciale face à des lois comme le Cloud Act et la FISA américaine, qui permettent aux autorités américaines d’accéder aux données hébergées par des entreprises américaines, même sur le sol européen. Caroline Comet-Fraigneau précise qu’en tant qu’entreprise française, OVHcloud est protégée de ces lois grâce à une séparation stricte de ses filiales américaines et européennes.
Malgré ces protections, la route vers une véritable souveraineté numérique est semée d’embûches. Michel Paulin, CEO d’OVHcloud, avait critiqué en 2022 le manque de courage de l’UE à réguler les services cloud américains. Comet-Fraigneau se fait l’écho de cette critique, appelant à une réglementation plus audacieuse et à l’introduction de critères liés à l’extraterritorialité dans l’EUCS (European Cybersecurity Certification Scheme). Cependant, elle reconnaît que « tous les États européens ne sont pas d’accord », rendant l’harmonisation difficile.
Naviguer dans ce paysage politique complexe exige des efforts diplomatiques constants. OVHcloud maintient des relations étroites avec les autorités allemandes et une présence à Bruxelles pour promouvoir une approche unifiée. Dans ce contexte, la montée de l’extrême droite aux élections européennes pourrait-elle influer sur les politiques numériques et de cybersécurité ? Caroline Comet-Fraigneau reste optimiste : « Je n’anticipe pas d’impact majeur. Nous espérons que la France continuera sur la voie qu’elle a tracée depuis plusieurs années, en défendant un EUCS incluant la notion d’extraterritorialité et en dynamisant la French Tech. Nous pouvons être fiers des nombreuses réalisations, notamment de nos licornes françaises. Je formule le vœu que cela continue sur cette dynamique positive ».
En regardant vers l’avenir, la vice-présidente souligne également l’importance de clarifier ce que l’on entend par « cloud souverain ». « Il y a beaucoup d’initiatives qui se prétendent être du cloud souverain, sans que l’on sache réellement ce qui se cache derrière. Ce que je dirais, c’est que l’on sent qu’il y a une préoccupation liée à ce sujet-là, mais la question est de savoir jusqu’où l’on souhaite aller. Est-ce que c’est juste héberger des données sur le sol d’un pays ? Est-ce que c’est être indépendant le plus possible technologiquement, auquel cas il faut développer ses propres solutions. La dépendance est un sujet qui peut aller jusqu’aux composants électroniques, puisqu’aujourd’hui nous dépendons entièrement de l’Asie, donc faut-il construire des usines pour produire nos propres composants électroniques ? Il y a encore énormément à faire, et je pense que c’est important que l’Europe, dans un contexte politique assez mouvementé, continue de travailler à sa souveraineté et à son autonomie. »
Sur la photo: Caroline Comet-Fraigneau, Vice-Présidente d’OVHcloud France-Benelux et Afrique-Moyen-Orient. (©DR).