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Créée en 2019, Occitanie Data est chargée de réfléchir à la façon éthique de créer des projets autour des données numériques et de l’intelligence artificielle (IA). En 2021, l’association régionale va devenir un groupe d’intérêt public Ekitia, à dimension nationale. Bertrand Monthubert, son président, fait le point sur les projets de la structure.
Bertrand Monthubert [1], quel bilan tirer, deux ans après la création d’Occitanie Data ?
Les questions de confiance, d’éthique et de souveraineté vis-à-vis de la data et de l’IA se sont imposées de manière extrêmement forte depuis deux ans. Nous avons donc eu raison de nous concentrer sur ces dimensions à l’époque où le sujet n’était pas aussi central. Il y a quelques années, certains acteurs français se disait encore heureux d’avoir passé des contrats avec Huawei [2]. Aujourd’hui, on essaye plutôt de les écarter des marchés publics.
Pourquoi transformer la structure en groupement d’intérêt public (GIP) ?
Depuis janvier, nous avons ouvert les adhésions en vue de la transformation d’Occitanie Data en un GIP nommé Ekitia. Trente-neuf membres sont actés. Il devrait y en avoir quarante-quatre au total le 31 mars. Notre organisation commence à avoir de la visibilité. Le conseiller régional que je suis est fier de voir que l’Occitanie est vue comme un territoire en pointe sur la data et l’IA. Mais le GIP nous permet d’aller au-delà, sur un périmètre désormais national.
On s’est vite aperçu qu’au-delà d’être un élément de la structuration de l’écosystème numérique régional (avec des structures comme Digital 113, la Mêlée ou le projet Aniti) nous étions sollicités aussi par d’autres territoires en France et en Europe. Pas besoin de créer treize structures régionales comme la nôtre. Notre travail peut être mutualisé avec d’autres acteurs régionaux, nationaux ou européens.
Le groupement d‘intérêt public, par sa dénomination même, par son mode de fonctionnement équilibré (avec des acteurs publics majoritaires, mais aussi avec des sociétés privées), nous semblait le plus à même de créer de la confiance chez les citoyens, les entreprises et les collectivités.
Quel calendrier pour la création du GIP ?
Nous avons sollicité le secrétaire d’État au numérique Cédric O qui va devoir instruire la demande de création du GIP. Cela devrait prendre trois ou quatre mois. Cela nous amène au début de l’été. Il y aura une AG constitutive où l’association se transformera officiellement en GIP. Pour le moment, nous avons des entreprises comme Sopra Steria, Atos, Orange, Continental, des startups comme Bionatics. Nous avons des acteurs de secteurs très divers (environnement, santé, mobilité, agriculture, etc.).
Quelles réalisations concrètes depuis deux ans ?
Nous avons livré une charte éthique des usages de la donnée, qui est un des rares documents de la sorte au niveau mondial (avec ceux destinés aux gouvernements allemand et danois). Nous passons tous les projets IA et Data au crible de cette charte fondée sur huit grands principes.
Nous avons réalisé plusieurs projets. Avec le CHU de Montpellier, pour identifier les zones les plus à risque lors de l’épidémie de Covid-19, dans une démarche de prévention et de santé publique.
Et avec la Région Occitanie, autour de la facilitation de l’accès à l’information pour les demandeurs d’emploi. En nous appuyant sur l’intelligence artificielle, nous avons abordé ce dernier point avec l’approche la plus éthique possible.
La crise actuelle a-t-elle changé quelque chose dans le monde du numérique ?
Nous sentons une accélération. Daniel Cohen, un économiste que j’apprécie, dit que « 2020, c’est vraiment le début de la révolution numérique ». C’est avec la crise sanitaire que la totalité des activités économiques et sociales ont dû intégrer de manière beaucoup plus importante une part de numérique. On peut penser à l’éducation, avec les cours en distanciel, à la santé, avec le téléconsultations, ou encore l’agriculture et les circuits courts, avec les plateformes de ventes en ligne. Tout d’un coup, toutes les questions se sont posées. Quelles solutions numériques choisir ? Quels acteurs mondiaux renforce-t-on ? Faut-il soutenir Amazon ou Dans ma zone [3] ? La question de l’éthique et de la protection des données est devenue prégnante. On l’a vu lors du débat sur l’application Stop Covid. La data est devenue un vrai sujet politique qui irrigue toute la société. C’est quoi la souveraineté à l’ère du numérique ? Comment maîtriser notre destin dans ce monde-là ? Nous voulons créer des cadres pour penser les termes du débat.
Propos recueillis par Matthias Hardoy
Sur la photo Bertrand Monthubert conseiller régional d’Occitanie délégué à l’Enseignement supérieur et à la rechercheCrédits : Rémy Gabalda – ToulÉco.
P.S. :
Le directeur d’Occitanie Data (bientot Ekitia) Olivier Auradou, se réjouit d’avoir fait grandir l’équipe de l’association de préfiguration, bientôt groupe d’intérêt public : « En avril 2019, nous étions deux. Nous venons d’accueillir notre huitième collaboratrice. Elle est diplômée de la Toulouse School of Economics (TSE), elle va travailler sur le modèle économique de la donnée. Après la partie éthique, juridique et la partie data, on s’arme sur la dimension économique. Notre équipe est majoritairement féminine. C’est qui est loin d’être toujours le cas dans le monde du numérique. »
Notes
[1] Il est également conseiller régional d’Occitanie délégué à l’Enseignement supérieur et à la recherche.
[2] L’entreprise chinoise de télécoms a été accusée à plusieurs reprises de se servir des données de ses utilisateurs sans aucun garde-fou.
[3] Plateforme lancée l’an passé par la Région Occitanie pour que les commerçants régionaux puissent faire du click and collect.