Après avoir roulé sous les radars pendant plusieurs années, la société toulousaine Adagos, créée en 2011 par 3 professeurs issus de l’Institut de mathématiques de Toulouse, a lancé en mars dernier NeurEco, un logiciel d’intelligence artificielle parcimonieuse qui améliore la précision des prédictions tout en optimisant la quantité de données nécessaire pour l’apprentissage. Entretien avec le professeur Mohamed Masmoudi, président d’Adagos.
C’est en se basant sur la méthode du gradient topologique, une technique qui utilise le principe de parcimonie en science, que la start-up Adagos a développé une technologie de rupture d’intelligence artificielle permettant d’ajouter la bonne cellule au bon endroit. “ La parcimonie, c’est expliquer les choses de la façon la plus simple. C’est un principe fondamental de la science depuis le XIVe siècle. Comme le disait plus récemment Albert Einstein, tout devrait être rendu aussi simple que possible, mais pas plus simple », explique le professeur Mohamed Masmoudi, président et cofondateur d’Adagos. Grâce à sa technologie, la start-up peut ainsi optimiser l’estimation de la variation d’erreur, tout en améliorant l’apprentissage en un nombre minimal de cellules. « C’est en cela que notre modèle a une meilleure prédiction que les modèles classiques, parce qu’il apprend de façon intelligente », précise-t-il. Ainsi, en plus de gagner en précision, NeurEco se veut une alternative plus verte que les autres solutions d’intelligence artificielle classiques puisqu’elle permet de réduire la consommation d’énergie « dans les mêmes proportions que la réduction de la taille neuronale ».
Une solution polyvalente
Même si la solution NeurEco s’applique à tous les domaines classiques de l’intelligence artificielle (la classification, la reconnaissance de forme et le traitement naturel du langage), son architecture lui permet d’aller encore bien au-delà. « Là où l’intelligence artificielle classique s’est orientée vers ces phénomènes discrets, nous sortons de cette prison pour aller là où la réponse est continue, ce qui nous permet de prendre en compte tous les phénomènes naturels, comme la déformation d’une aile d’avion, le rayonnement d’une antenne, la production énergétique d’une ferme d’éoliennes ou de panneaux solaires, etc. », explique Mohamed Masmoudi.
Comptant une trentaine d’utilisateurs, la start-up toulousaine profite de la polyvalence de son modèle pour multiplier les projets, notamment avec des acteurs majeurs. « Parmi nos projets en cours, nous travaillons avec Michelin sur la prédiction de l’usure des pneus d’avions, mais aussi avec le CNES pour minimiser les quantités de transferts de données entre les satellites pour réduire leur consommation d’énergie, avec Thales Aerospace pour détecter les cas de panne d’antennes spatiales, ou encore avec Terega, leader du transport de gaz naturels dans le sud-ouest de la France, pour estimer la consommation énergétique de leurs clients afin d’anticiper les quantités de gaz nécessaires », se réjouit le président d’Adagos.
Une tendance à contre-courant
L’utilisation d’une intelligence artificielle parcimonieuse représente une indéniable avancée dans le décor numérique actuel, pourtant nous ne pouvons que constater que les géants du secteur suivent une tendance tout autre. « Dans le domaine numérique, les grands acteurs misent sur le cloud computing. Ils mettent leurs outils à disposition gratuitement, puis attendent les utilisateurs au tournant en leur vendant des prestations de stockage ou d’utilisations de ressources de calculs », analyse Mohamed Masmoudi. « Le problème, c’est que l’impact énergétique du cloud computing est énorme. Il faut savoir qu’il représentait il y a déjà quelques années autant d’énergie que l’ensemble du transport aérien commercial. Avec Adagos, nous essayons d’aller à l’encontre de cette tendance, en affirmant qu’il y a moyen de faire mieux et plus avec moins ! », indique-t-il.
Fort d’un effectif de douze personnes et d’un chiffre d’affaires de 600.000 euros, la société toulousaine affiche l’ambition d’augmenter ses effectifs de 50% et de doubler son CA chaque année. « Jusqu’à présent, nous n’avons pas eu besoin de levée de fonds, nous essayons d’associer les jeunes qui travaillent avec nous au capital. La société appartient à ses fondateurs et à ses salariés. Mais il est vrai qu’il n’y a pas un jour qui se passe sans que je sois harcelé par des personnes qui veulent investir chez nous. Si un jour on le fait, on le fera avec ceux qui nous ont soutenus depuis le début, comme Michelin ou Continental », conclut-il.