Covirtua : comment la reconnaissance vocale peut soigner

L’entreprise occitane Covirtua s’implique dans un projet permettant à la reconnaissance vocale de devenir une aide au diagnostic neuropsychologique.

Les plaintes cognitives sont fréquemment rapportées par les patients en rémission ou traités au long cours avec des thérapeutiques anti-cancéreuses ciblées, regroupées sous le terme de chemobrain. Elles paraissent le plus souvent discrètes mais sont invalidantes dans la vie courante ou lors de la reprise professionnelle, constituant ce que l’on appelle un « handicap invisible » mais pourtant bien réel pour les patients. Leur mise en évidence nécessite un bilan orthophonique ou neuropsychologique, dont la sensibilité peut être grandement améliorée : par l’obtention des temps de réaction des patients lors de la réalisation de tâches, ou par une analyse plus qualitative des résultats, obtenue grâce à la combinaison de l’enregistrement des réponses lors de passation informatisée et à l’utilisation de la reconnaissance vocale pour effectuer un traitement automatisé et plus précis des réponses enregistrées.

Au sein de l’INSERM (unité ToNIC), des travaux de neuropsycholinguistique ont été menés de longue date afin d’explorer l’organisation du langage et des fonctions exécutives chez des patients cérébrolésés et des sujets sains*

. Ces publications ont montré la richesse des informations fournies par ces tâches linguistiques mais aussi la lourdeur de la passation nécessitant un traitement long et fastidieux des réponses fournies par les sujets. Un partenariat entre l’INSERM et l’IRIT (équipe Samova, spécialisée en reconnaissance vocale), a regroupé les équipes médicales, de linguistes et de chercheurs en reconnaissance vocale. En 2013, cette rencontre a ainsi permis d’envisager un traitement informatisé des réponses enregistrées lors des passations, ce qui a amené à un premier développement logiciel (Evolex V1) et une étude de faisabilité sur la tâche d’évocation lexicale, puis de deux nouvelles tâches linguistiques : la dénomination d’images et la génération verbale sémantique.

La somme des données et la complexité des processus lexicaux et sémantiques mis en jeu sont devenues difficiles à gérer du fait de l’absence d’outils spécifiques pour la gestion des comptes. Il était donc nécessaire pour les équipes académiques de se tourner vers un éditeur de logiciel afin de bénéficier de tous les outils nécessaires à l’ouverture, la fermeture, la gestion des comptes utilisateur, ainsi que la gestion des enregistrements par groupes.

COVIRTUA Healthcare, dont le logiciel de rééducation des fonctions exécutives est utilisé au CHU de Toulouse, s’est révélé être un partenaire tout à fait naturel qui pourrait enrichir sa gamme dans le domaine de l’évaluation du langage et des fonctions exécutives. En impliquant ce partenaire privé, le présent projet Evolex V2 vise à amener sa première version au niveau supérieur, c’est-à-dire à une version qui pourrait être utilisée à grande échelle, puis à être commercialisée.

Il s’agira dans le cadre de ce projet de développer une solution logicielle au sein de l’environnement COVIRTUA

Cognition qui permette, chez des patients ou sujets sains :

– d’enregistrer les passations

– de visualiser la transcription automatique des réponses verbalisées

– de présenter ces résultats ou de les exporter

Enfin, la validation de l’outil Evolex V2 sera confiée à des utilisateurs « tests » pour être expérimentée en situation dite écologique, c’est-à-dire en conditions réelles d’application.

Le potentiel applicatif de ce projet et son transfert rapide en recherche clinique en oncologie couvrira de nombreuses autres disciplines (neurologie, gériatrie, médecine physique et de réadaptation, neuropédiatrie, etc.).

Ce projet s’inscrit dans la Fédération Hospitalo-Universitaire (FHU) des Handicaps Cognitifs, Psychiques et Sensoriels (HoPeS) qui réunit des acteurs du CHU de Toulouse (Institut des Handicaps Neurologiques, Psychiatriques et Sensoriels), de l’université de Toulouse et des instituts de recherche (Inserm, CNRS). L’ensemble des partenaires académiques de ce projet appartient à la FHU HoPeS, ce qui témoigne de leur implication et de leur volonté forte de développer des projets de recherche multidisciplinaires en lien avec les partenaires privés, et dont les retombées chez les patients doivent être rapides. Le projet Evolex 2 représente l’étape nécessaire et indispensable pour optimiser et valider l’utilisation d’un logiciel adapté à une pratique clinique et de recherche et permettant l’administration de tâches neuropsycholinguistiques à des sujets présentant un dysfonctionnement cognitif parfois léger tel qu’un chemobrain.

Afin de s’adapter aux besoins spécifiques de ces patients et de leurs soignants, ce projet impliquera à la fois des chercheurs en informatique (J. Pinquier, J. Farinas), en neuro- et psycholinguistique (P. Peran, M. Jucla), et des cliniciens spécialistes de la prise en charge de ces troubles (Pr X. de Boissezon, L. Danet, Pr A. Laprie, actuellement responsable scientifique à Toulouse d’un projet d’envergure nationale qui s’intéresse à cette problématique des dysfonctionnements cognitifs chez l’enfant et chez l’adulte à la suite d’un traitement anti-cancer).

* Cardebat 1990, Peran et de Boissezon 2005-2007, Cardebat 2003