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L’intelligence artificielle. Elle est désormais partout et séduit tout autant qu’elle inquiète. En Occitanie, on s’interroge toujours sur la bonne stratégie à adopter.
La région Occitanie n’a pas attendu ChatGPT pour s’intéresser à l’intelligence artificielle . Pour preuve, en février 2019, nous consacrions notre dossier de la rédaction et notre couverture jaune canari à l’IA, avec un titre plein de promesses : « Toulouse au cœur de la machine ». Notre point de départ ? Le projet Aniti (Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute) porté par l’Université fédérale de Toulouse qui avait l’honneur d’être reconnu comme l’un des quatre Instituts interdisciplinaires dédiés à l’intelligence artificielle (3IA).
Les trois autres étant Paris, Grenoble-Lyon et Nice. En effet, suite au rapport du mathématicien et député Cédric Villani en 2018, l’État venait de lancer une stratégie ambitieuse et inédite en la matière. Son objectif : « Figurer dans le top 5 mondial des pays leaders en intelligence artificielle. » Pour cela, la puissance publique avait mis 1,5 milliard d’euros sur la table pour la période 2018–2022.
Cinq ans plus tard, le monde a changé, tout comme notre vision du futur : l’IA générative (c’est-à-dire qui produit des textes, des images, des sons, etc.) a déferlé sur les usages. Et si certains voient d’un mauvais œil cette explosion de l’IA dans notre quotidien, celle- ci n’en est pourtant qu’à ses débuts, nous promettant une réalité artificielle plus vraie que nature. Que sont devenues les belles ambitions d’Emmanuel Macron en matière d’intelligence artificielle ? Force est de reconnaître qu’en 2023, la France est bien plus observatrice qu’actrice de ce grand boom.
C’est le constat, implacable, dressé par la Cour des comptes dans un rapport paru en avril dernier. Il pointe que « la France conserve difficilement une place au dixième rang à l’échelle mondiale » et se maintient seulement « au deuxième rang au niveau européen », derrière l’Allemagne, en matière de recherche en IA. Et la juridiction financière d’émettre un certain nombre de recommandations pour rendre plus efficace la stratégie édictée en 2018.
Les instituts 3IA vont devenir des IA-Cluster
La Cour des comptes appelle notamment « à préciser les missions respectives des centres d’excellence 3IA » comme Aniti et à « clarifier en conséquence les financements qui leur sont alloués ». Traduction : plus question d’aligner les crédits les yeux fermés. Chaque centre doit vite faire la preuve de son utilité. L’État a pris acte de ce rapport, et annoncé en juin la transformation des instituts en « IA-Cluster » travaillant davantage « en collaboration » et plus « tournés vers le monde de l’entreprise ». Un virage déjà pris par les centres de Paris, Grenoble-Lyon et Nice en créant des dizaines de start-up, en signant des partenariats avec des industriels et en embrassant le secteur de la formation.
Du côté de Montpellier, pas de centre de recherche labellisé, donc pas de pression. On préfère se pencher, à travers une convention citoyenne, sur les épineuses questions éthiques que pose l’IA, par rapport à la véracité de l’information, au respect de la vie privée, à l’avenir du travail, à la pollution énergétique, etc.
Quid de Toulouse dans ce tableau en demi- teinte ? Dans la Ville rose, en matière d’IA, beaucoup de projets sont encore à l’état d’ébauche. Que ce soit en matière de transports, de santé ou encore d’industrie, Aniti a du mal à dépasser le stade de la recherche et de la certification. Quant à sa communication, elle reste, si ce n’est discrète, du moins réservée aux initiés. Dernière ombre au tableau : annoncée en grande pompe en 2019, l’arrivée du chercheur chilien star de l’IA, César Hidalgo, n’a pas non plus tenu ses promesses. Ses apparitions comme ses prises de position ont été rares, et son passage s’est finalement apparenté à un feu de paille, au point qu’Aniti s’est doté d’une nouvelle gouvernance avec un directeur opérationnel, Nicolas Viallet, et un nouveau directeur scientifique, Serge Gratton. Aussi, après l’effervescence, l’heure est aujourd’hui à l’incertitude et au doute. Le doute qui, s’il n’est pas très vendeur, reste il est vrai, le fondement essentiel de toute aventure scientifique…
Matthias Hardoy et Martin Venzal
Image d’illustration : ToulÉco-Jean Christophe Wolmer Guibaud