La société TaisToiDonc exploite l’IA pour élargir les horizons de ses productions vidéo

TaisToiDonc, une entreprise toulousaine dirigée par François Grandjacques, se distingue dans le paysage de la production audiovisuelle. Forte de collaborations avec des clients renommés tels que le Barreau de Paris, Décathlon, et Manchester City, elle a récemment embrassé l’intelligence artificielle pour pousser plus loin ses capacités de production. Cet engagement vers l’innovation s’est notamment illustré dans un projet ambitieux pour l’Aquarium de Biarritz et une réinterprétation animée de ‘Le Corbeau et le Renard’ de La Fontaine. Alors que l’entreprise s’apprête à étendre son activité avec un nouveau plateau de production dans le quartier Esquirol à Toulouse, Mid e-News s’est entretenu avec François Grandjacques pour discuter de l’impact de l’IA dans leurs réalisations et des perspectives d’avenir pour cette convergence entre technologie et créativité. Interview. 

Comment vous présenteriez-vous ainsi que votre société TaisToiDonc?
François Grandjacques : J’ai décidé à 13 ans que je ferais de la vidéo et voyagerais. C’est ce que je fais aujourd’hui. J’ai fait une école de cinéma, et après avoir réalisé plusieurs documentaires, reportages, et films d’entreprise pour des chaînes telles qu’Arte ou Public Sénat en tant que prestataire. J’ai voulu structurer tout cela pour produire plus facilement mes films et productions. C’est ainsi que TaisToiDonc a été créé en 2018. Nous sommes maintenant une équipe de quatre personnes, et nous travaillons avec une cinquantaine de prestataires un peu partout en France et dans le monde. Nous avons produit des films dans une quarantaine de pays. Actuellement, nous avons une publicité qui tourne sur le groupe M6, entre autres. 

Pourquoi « Tais-toi donc » ? 

Cela vient d’une volonté d’humour et de se démarquer avec un nom qui ne suit pas la tendance actuelle à la bienveillance et à la gentillesse. C’est un choix qui vise à se distinguer.

Depuis combien de temps utilisez-vous l’intelligence artificielle ?
FG : Nous avons commencé à travailler dessus aux alentours d’août-septembre de l’année dernière. Nous utilisons les logiciels d’IA liés à la vidéo depuis septembre, et notre première application concrète a été un film pour les 90 ans de l’Aquarium de Biarritz. C’était une commande urgente qui nous a été passée en novembre et que nous devions rendre avant la fin de l’année, soit en un mois. 

Quels ont été les principaux défis techniques à surmonter pour intégrer l’IA dans ce processus de création vidéo ?
FG : Les difficultés techniques proviennent du fait que ces applications sont toutes récentes, donc pas vraiment finies, pas stables. Cela a un côté pionnier, un peu comme au début de la vidéo sur Internet. Trouver le bon outil était le premier défi, puis il a fallu maîtriser ces outils. En travaillant, nous avons découvert, par exemple, que le coût moyen d’une seconde d’image en vidéo promotionnelle est d’environ 40 euros. L’IA, de son côté, a cette particularité : quand on demande de créer une image, cela ne fonctionne pas toujours du premier coup, contrairement au tournage habituel. Il faut donc parfois faire plusieurs tentatives, et le prix varie en fonction du nombre d’essais. Malgré tout, le coût d’une seconde d’image créée par une IA est réduit de moitié, soit aux alentours de 20 euros.

Est-ce réellement un gain de temps ?
FG : C’est un gain de temps hallucinant ! Et cela ouvre la créativité à des projets jusqu’alors compliqués. Par exemple, j’ai en tête depuis longtemps un projet de court-métrage s’inspirant du Voyage dans la Lune de Méliès que je ne pouvais réaliser pour des raisons techniques. Maintenant, je sais que je vais pouvoir le faire. Avec l’IA, tous les possibles s’ouvrent, c’est vraiment incroyable. Je le compare souvent au passage du cocher de carrioles à la voiture. L’IA a beaucoup d’inconvénients, mais ses avantages sont tellement énormes.

Comment l’IA peut-elle influencer un processus créatif ?
FG : L’IA permet tout d’abord de combattre le syndrome de la page blanche, notamment grâce à ChatGPT. Elle nous aide aussi à proposer des storyboards ou le film sous forme de dessins assez facilement. Cela rend la création de dossiers de présentation à l’entreprise ou au CNC, par exemple, beaucoup plus simple et claire. La production en elle-même, où on peut créer des images, des icônes pour illustrer notre film, est simplifiée.

Comment voyez-vous l’évolution de l’interaction entre l’IA et la production vidéo dans les prochaines années ?
FG : Il y a des métiers qui vont se transformer, d’autres qui vont disparaître. Je ne vois pas une seule production qui n’utilisera pas l’IA d’ici 5 ans. Ceux qui ne l’auront pas adoptée dans 2 ans, cela sera assez surprenant. L’IA va être partout, un peu comme le passage du montage sur pellicule au montage sur ordinateur. Il y a eu des réfractaires, mais la majorité a suivi parce que c’était plus simple, plus rapide. L’accélération, c’est le mot clé avec l’IA. Elle permet de faire des choses qu’un être humain ne pourrait pas réaliser sans y consacrer toute une vie.

Il y a beaucoup de fantasmes et/ou de craintes à l’idée de voir des films ou de grandes productions hollywoodiennes entièrement réalisés par IA…
FG : Ce n’est pas un simple fantasme, c’est clairement la direction vers laquelle nous nous dirigeons. Et personnellement, je ne vois pas vraiment où est le problème. En ce qui concerne le cinéma, surtout le cinéma hollywoodien, l’important est d’être diverti. Si je crois aux personnages et que leurs aventures captivent mon attention, où est le souci ? Certes, il y aura moins de comédiens, mais si je n’aime pas les films faits par l’IA, rien ne m’oblige à les regarder. Cependant, ils devraient être clairement signalés, même si je pense que nous apprendrons à faire la différence, que notre œil s’éduquera pour reconnaître ces œuvres.

Propos recueillis par Clément Seilhan.