En Avant !
Henri D’Agrain, délégué général de Cigref: Penser un avenir durable, responsable et de confiance !
La Mêlée fête ses 20 ans en 2020 dans le contexte que l’on connait. A cette occasion, la rédaction de Midenews se propose d’interroger pendant 20 semaines 20 experts du numérique, sur leur vision de « la France Numérique d’après » le covid19, et bien sur de souhaiter un bon anniversaire à l’association.
La Mêlée a 20 ans !
Amis occitans de la Mêlée, vous fêtez donc cette année, le vingtième anniversaire de votre collectif de praticiens du numérique. Votre Président, Édouard Forzy, a demandé à l’exilé francilien que je suis de vous proposer à cette occasion, en quelques lignes, sa vision de l’avenir du numérique. C’est avec un grand plaisir que je me livre à cet exercice, d’abord parce que mes racines sont languedociennes et que mes attaches se baladent entre le Couserans, la Montagne Noire et le clocher de la basilique Saint Sernin. Par ailleurs, 2020 est également l’année des 50 ans du Cigref, dont je suis le Délégué général. Comme la Mêlée pour ses vingt ans d’existence, le Cigref fête cinquante années au service de ses membres et de leurs transformations numériques successives, célèbre cinq décennies au cours desquelles ses adhérents seront passés, par mutations successives, des systèmes mécanographiques de gestion des salaires, à l’intelligence artificielle et aux prémices du calcul quantique.
Une crise sanitaire, économique et sociale inédite
Mais voilà, un intrus, le SARS-CoV2, s’est invité à la fête, et nous a contraint à mettre les lampions en veilleuse et à remettre à un hypothétique « plus tard » la célébration de cet anniversaire. La crise est là, terrible. Au choc sanitaire initial, s’est très vite ajouté en effet un double choc économique et social. Nous savons désormais que la crise va s’inscrire dans la durée. Le déconfinement, tel qu’il se présente au moment où ces lignes sont rédigées, n’est que le début d’un processus qui prendra probablement beaucoup de temps avant que nos organisations retrouvent un fonctionnement à peu près normal, et dont le succès est encore mal assuré. Il s’inscrit par ailleurs dans un contexte de crise économique profonde qui affecte la plupart des entreprises.
Penser l’avenir
Cependant la crise passera, nécessairement. Nous sommes confrontés à l’exigence de penser la fin de cette crise et la reprise de l’activité du secteur numérique. Dans ces circonstances si difficiles, pour chacune et chacun, tant à titre professionnel que personnel, nous devons œuvrer pour que des lieux comme la Mêlée ou le Cigref continuent d’exister au service des praticiens du numérique, dans la diversité de leurs activités, des lieux où la puissance de l’intelligence collective s’exprime pour que se dessinent des solutions, s’élaborent des propositions, et s’esquisse la vision d’un numérique durable, responsable et de confiance, du numérique que nous voulons pour nos organisations, et qu’appellera nécessairement le monde qui vient.
Durable
Les prévisions concernant l’avenir du climat sont bien sombres. Il apparaît de moins en moins probable que l’humanité réussisse à s’affranchir des conséquences lourdes de ce changement climatique en préservant son modèle de croissance, par ailleurs profondément entamé par la crise sanitaire. Si la science et la technologie sont mobilisées pour tenter de fournir des solutions, elles ne pourront à elles seules enrayer le développement des scénarios les plus pessimistes. Il semble de plus en plus probable que nous soyons inéluctablement confrontés à l’exigence d’infléchir nos modes de pensée, de modifier notre façon de vivre et nos pratiques professionnelles. Nos métiers du numérique n’échapperont pas à cette exigence.
Responsable
Face à la diversité de l’offre de solutions et services numériques, les praticiens du numérique ont une triple responsabilité. Tout d’abord celle de s’affranchir des effets de mode pour recentrer leurs projets sur la création de valeur pour leurs utilisateurs. Ensuite celle de penser les conséquences sociales des choix technologiques et de les anticiper, voire de les prévenir. Enfin, mais ce n’est pas nouveau, celle de garantir la continuité des services numériques désormais essentiels pour toutes les fonctions des organisations, ainsi que la maîtrise, tant technique qu’organisationnelle, de leur complexité.
De confiance
Si nous n’y prenions garde, nous pourrions nous trouver confrontés à une grave crise de confiance dans les services numériques qui sont mis à la disposition des entreprises, des collaborateurs et de leurs clients. Nous avons collectivement déjà accompli un travail de fond en implémentant dans nos organisations le Règlement Général sur la Protection des Données à caractère personnel. Ce n’est pas suffisant. De nombreuses entreprises font régulièrement l’objet de cyberattaques dont la provenance et la responsabilité sont toujours difficiles à désigner. Tentatives d’escroquerie, activités de déstabilisation, guerre économique, la confiance s’effrite. Par ailleurs, les dispositions réglementaires adoptées par certains États plongent les entreprises européennes dans une situation d’insécurité juridique grave face à la protection de leurs données stratégiques. Dans ce contexte, les initiatives comme l’Appel de Paris, auquel le Cigref a apporté son soutien en janvier 2019, et qui tendent à faire émerger un droit international public du cyberespace, vont dans le bon sens. Mais il reste encore beaucoup à faire pour restaurer la confiance sans laquelle il n’y aura pas de développement harmonieux d’un numérique au service de la croissance de l’économie et de la modernisation de la société.
Pour ses 20 ans, je souhaite à la Mêlée de relever les nouveaux défis qui ne vont pas manquer de se présenter dans ces temps incertains, afin de réussir le numérique dans une unique perspective, celle d’un nouvel âge pour un avenir meilleur.
Henri d’Agrain a alterné, au cours d’une carrière de 27 ans dans la Marine, les postes opérationnels et de commandement à la mer et les responsabilités dans le domaine de l’informatique et des moyens de communication des armées. Il quitte sa fonction de Directeur des systèmes d’information et d’autorité cyberdéfense de la Marine nationale en août 2013 pour cofonder Small Business France, qui accompagne les entreprises technologiques et innovantes vers la commande publique et les achats des grands groupes. En 2014, il crée, en partenariat avec l’École Européenne d’Intelligence Économique, le Centre des Hautes Études du Cyberespace (CHECy) dont il est le Directeur général. Il occupe désormais les fonctions de Délégué général du CIGREF.