Pierre Moscovici : « Pour investir dans la transition écologique, il va falloir se désendetter »

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ToulÉco

De passage à Toulouse pour rencontrer les équipes de la chambre régionale des comptes d’Occitanie, le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici a donné une conférence aux étudiants de l’Université Toulouse Capitole et de Sciences Po Toulouse. Il a insisté sur la nécessité de réduire le déficit public pour investir massivement à l’avenir dans la transition écologique.

Une grosse pointure face aux aux étudiants de l’Université Toulouse Capitole et de Sciences Po Toulouse. Pierre Moscovici a occupé des postes très prestigieux au niveau national et européen. L’actuel premier président de la Cour des Comptes a été notamment ministre des Affaires européennes, ministre des Finances et commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires. L’énarque de formation, qui enseigne toujours à Sciences Po, semble particulièrement enthousiaste à l’idée de s’adresser à une jeunesse intéressée par le droit et les affaires publiques. « Continuer d’aller régulièrement à la rencontre de la jeunesse, c’est une manière de ne pas devenir, trop vite, un vieux con », souligne avec malice le haut fonctionnaire venu des rangs du Parti socialiste.

Après avoir rapidement brossé l’histoire de l’institution qu’il préside, née sous Napoléon et qui s’est en partie décentralisée sous François Mitterrand (avec la création des chambres régionales des comptes), il a détaillé son action depuis 2020. « La Cour des comptes se modernise, évolue. Désormais, nous publions tous les rapports que nous produisons à l’exception des rapports classés secret-défense. 180 rapports en moyenne sont publiés par an, contre seulement 35 chaque année à mon arrivée. C’est une manière de devenir plus encore des acteurs du débat public. Nos rapports sont plus concis et rédigés dans des délais raccourcis. Nous avons par ailleurs lancé une plateforme où les citoyens peuvent nous suggérer des sujets d’enquête sur des politiques publiques particulières ou des institutions. Une autre de nos plateformes s’adresse particulièrement à des lanceurs d’alerte qui auraient été confrontés d’une manière ou d’une autre à la mauvaise gestion financière d’organisations publiques », détaille le premier président de la Cour des comptes.

« Des investissements massifs » nécessaires face à l’accélération du réchauffement climatique

En pleine période de débat budgétaire au Parlement, Pierre Moscovici a consacré une partie importante de sa conférence à une analyse de la difficile situation économique de la France. « C’est le projet de budget le plus délicat de la Cinquième République, hors période de crise. Après la crise sanitaire, le déficit à continuer de se creuser en France, contrairement à d’autres pays européens comme l’Espagne ou le Portugal, par exemple. Nous n’avons pas réussi à gérer l’après « quoi qu’il en coûte ». Nous sommes le troisième pays le plus endetté de la zone euro, derrière la Grèce et l’Italie. La situation est très préoccupante, je n’ai jamais vu ça en quarante ans de carrière », s’alarme le haut fonctionnaire. « Le remboursement de la dette est en train de devenir le premier budget de l’État. C’est autant d’argent que l’on ne peut pas consacrer à la transition écologique ou à l’Éducation nationale. On se met entre les mains des marchés financiers. Une commission d’enquête parlementaire me semble une idée de bon sens pour comprendre comment on en est arrivé là », affirme avec gravité Pierre Moscovici.

Le reste de la conférence a été consacré à la question de la transition écologique. « La Cour des comptes prend en compte la centralité des problématiques posées par l’accélération du réchauffement climatique. Ce fait indiscutable va nécessiter des investissements publics massifs et de profondes mutations sont nécessaires dans de nombreux secteurs. Nous avons réalisé, par exemple, un rapport sur les stations de ski qui a fait beaucoup parler cette année. C’est pour cela qu’il va falloir faire aujourd’hui des efforts budgétaires et fiscaux importants, se désendetter, pour se dégager des marges de manœuvre pour les années qui viennent. Il faut des efforts justes qui ne tuent pas la croissance. Pour moi, l’austérité est une erreur, la rigueur peut ouvrir des chemins », estime le socialiste dans une formule qu’aurait pu prononcer le François Mitterrand de 1983, lors du fameux « tournant de la rigueur ».
Matthias Hardoy

Sur la photo : Pierre Moscovici lors de sa conférence face aux étudiants de l’Université Toulouse Capitole et de Sciences Po Toulouse à l’amphi Cujas de l’Université Toulouse-Capitole. Crédit : Rémy Gabalda-ToulÉco.