Tiers-lieux : est-ce la bonne clé ?

Echéance municipale et enveloppe du gouvernement (>45M€) : les tiers-lieux du numérique ont la cote, plus que jamais.

C’est à Toulouse, à l’initiative de La Mêlée, qu’a été créé l’un des premiers « tiers-lieux » de France.

Aujourd’hui, on compte plus de 100 tiers lieux en Occitanie (voir le panorama proposé par la Région ici), mais le rapport au gouvernement de Patrick Lévy-Waitz en dénombre déjà plus de 160 dans la région (1 800 au niveau national). Début 2020, après l’officialisation du budget débloqué par l’Etat (>45M€) et les élections municipales du printemps prochain, la région en comptera à minima 50 de plus.

La question centrale concerne le modèle économique d’un tiers-lieu, car deux logiques se confrontent. D’un côté, on trouve des acteurs du secteur « privé », qui se concentrent sur les grandes villes afin d’optimiser le nombre de « coworkers » et de leur vendre des services en sus (conciergerie, boîte postale, accueil téléphonique, ouverture 24/24 h et 7/7 j, accès à des salles de réunion, espaces détente et restauration…). De fait, il n’existe pas véritablement un « prix du marché » pour un tiers-lieu : le prix varie en fonction de l’emplacement (par exemple au sommet de la Tour Montparnasse à Paris ou dans les faubourgs d’une petite ville de province), des services rendus ou du prestige du lieu. En résumé, ces tiers-lieux doivent être au moins « à l’équilibre », sinon rentables. De l’autre côté, on compte de nombreuses collectivités ou territoires, souvent partenaires d’associations, qui considèrent que les tiers-lieux sont un « service public » et que leur rentabilité n’est pas la priorité (voir cette vidéo sur un tiers-lieu ardéchois).

Dans les deux cas, les investissements ont été concentrés sur les métropoles régionales : sur les 100 tiers lieux labellisés d’Occitanie, Montpellier et Toulouse en réunissent ainsi plus de la moitié ! Qui fréquentent ces endroits ? Principalement des porteurs de projet, des étudiants, des autoentrepreneurs, des startupers, des indépendants, etc.

Dans les faits, la plupart des tiers-lieux qui seront créés en Occitanie durant les mois qui viennent seront implantés dans des villes de taille moyenne (20 000 à 100 000 habitants). Ce sera le cas à Cahors, à Figeac, à Montauban, à Béziers, à Agde, à Nîmes, à Mende, à Albi, à Castres, à Gimont… Pourquoi autant de projejts ?

Parce que l’on voit poindre une troisième voie : le télétravail. Dans ce cas, le client du tiers-lieu n’est plus la personne qui vient là pour travailler, mais son entreprise. Les principaux employeurs d’Occitanie (dans l’aéronautique, le numérique, l’agroalimentaire, la logistique, l’administration…) savent que le temps passé par leurs salariés pour aller à leur lieu de travail habituel et revenir chez eux ne cesse d’augmenter et qu’ils sont moins productifs.

C’est dans ce contexte que le gouvernement (Ministères de la Ville et du logement – Julien Denormandie – et Ministère de la Cohésion des Territoires – Jacqueline Gourault) a annoncé que l’Etat allait investir dans 300 tiers-lieux (existants ou en projet) durant les 3 ans qui viennent, pour plus de 45 M€. Il a été suivi par Action Logement pour 50 M€ et par le fonds d’investissement Amundi pour 50 M€ de plus : près de 150 M€ sur 3 ans. 100 projets sur 300 vont être sélectionnés dès cette année (puis les 200 autres les deux années suivantes).

« De deux choses l’une : soit l’on continue à rapprocher les domiciles des lieux de travail, ce qui conduit au développement de mégapoles et de congestions difficilement gérables, soit on rapproche l’emploi des logements, explique Frédéric Carré, Président du Comité régional d’Action Logement pour l’Occitanie. Chez Action Logement, nous pensons que la seconde option est la plus pertinente, à la fois parce ce que cela permet de « désencombrer » les grandes villes et que cela conduit à revitaliser de nombreuses communes ». Dans cette perspective, il est évident que la couverture numérique des territoires doit être garantie (voir les promesses de l’Etat en la matière).

La voie serait donc d’inciter les grands employeurs de la région à développer le télétravail. Encore faut-il que le gouvernement sorte des arguments « sonnants et trébuchants » pour les convaincre, ce qui semble être le cas aujourd’hui, et réadapte le code du travail, ce qui est moins simple (nous y reviendrons).

Pascal Boiron, MID e-news