En partenariat avec
L’Institut de recherche en informatique de Toulouse (Irit) ainsi que l’Université Toulouse-Capitole sont impliqués dans un projet européen d’envergure nommé Duca. L’objectif est de créer une plateforme permettant de partager des données de manière sécurisée à l’heure où intelligence artificielle (IA) bouscule très profondément le monde du numérique.
Cette expérience l’a « changée » en tant que chercheuse et enseignante. Dans le cadre du projet européen Duca [1], la chercheuse en droit Jessica Eynard, maître de conférences à l’Université Toulouse-Capitole, a travaillé pendant une année universitaire en Allemagne au sein de Huawei, fournisseur mondial d’équipements et d’infrastructures numériques. « Au début, c’était compliqué. C’est une grande entreprise du numérique avec ses codes. Mes interlocuteurs parlaient un anglais technique d’informatique et moi un anglais de juriste. Mais j’ai pris mes marques rapidement et ce fut une expérience enrichissante. Ce projet, basé sur l’échange de personnels, permet à des universitaires d’aller dans des bureaux et, à des professionnels, de se rendre dans des labos de recherche. On sort chacun de nos mondes pour essayer de trouver de meilleures solutions ensemble », confie avec enthousiasme l’universitaire, spécialiste de la protection des données dans le monde numérique.
« Et même au sein du monde académique, Duca fait collaborer des chercheurs qui n’ont pas toujours l’habitude de travailler ensemble. Par exemple, des chercheurs en informatique et des juristes. Cette interdisciplinarité est très riche également », remarque Daniele Canavese, chercheur en informatique italien en post-doctorat à Toulouse à l’Irit, financé par l’Institut Cybersécurité Occitanie, membre de Duca.
Ce projet européen, qui a démarré en 2023 et va se terminer en 2026, a pour finalité de créer une plateforme européenne où l’on puisse partager de la donnée de manière importante mais de façon la plus sécurisée et éthique possible. Les partenaires industriels et universitaires viennent de nombreux pays européens (Allemagne, Italie, Grèce, Finlande, etc.). Les frais d’échange sont financés par l’Union européenne pour un montant d’environ 1,65 million d’euros, dont 184.0000 euros pour l’Irit.
« Accompagner l’innovation tout en respectant des valeurs »
La question de la protection du partage des données personnelles se pose de manière plus aiguë à une période où l’intelligence artificielle ne cesse de prendre de l’espace. « Tout le monde sait que l’IA se nourrit de données. C’est sa matière première. Plus elle possède de la donnée de bonne qualité, vérifiée, plus elle peut faire des liens judicieux et rendre des services pertinents. Mais l’enjeu, c’est de le faire de matière éthique, en protégeant le droit des personnes, en leur donnant la capacité de donner ou pas certaines informations. Pour moi, on peut accompagner l’innovation tout en respectant des valeurs. C’est particulièrement important de suivre cette voie au niveau européen, au moment où les États-Unis sous Donald Trump s’acheminent vers une dérégulation », affirme avec conviction Jessica Eynard.
La chercheuse a trouvé en Duca de la matière pour nourrir ses propres recherches. « Je travaille notamment à la construction d’un modèle juridique qui permette le partage de données tout en assurant la protection de la propriété intellectuelle et des données personnelles », résume la chercheuse. Quand elle a démarré sa carrière universitaire, ses collègues juristes étaient « peu nombreux à croire que [son] champ d’études était pertinent ». Aujourd’hui, le master mention Droit du numérique, dont elle est coresponsable pédagogique, attire de nombreux étudiants.
« Leur taux d’insertion est très bon. Au moment de l’arrivée de la RGPD, beaucoup d’entreprises ont embauché nos étudiants. Aujourd’hui, avec l’IA, le profil de nos étudiants intéresse toujours beaucoup les entreprises. Cela fait plusieurs années qu’on les prépare à ce boom de l’intelligence artificielle », explique celle qui codirige par ailleurs la chaire « Droit, responsabilité et confiance sociale dans l’IA » au sein d’Aniti, l’institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle de Toulouse Aniti.
Matthias Hardoy
Sur la Photo : Jessica Eynard, maitre de conférences à l’Université Toulouse-Capitole, fait partie du projet européen Duca. Crédit : Rémy Gabalda-ToulÉco.
Notes
[1] Pour Data Usage Control for empowering digital sovereignty for All citizens. En français : Contrôle de l’utilisation des données pour renforcer la souveraineté numérique de tous les citoyens