Entretien avec Jacques Bascou, Président du Grand Narbonne, sur la stratégie économique de cette agglomération « de taille moyenne ».
- Narbonne ne se sent-elle pas écrasée par les grandes villes et métropoles de l’Occitanie Pyrénées-Méditerranée, Montpellier et Toulouse ?
Jacques Bascou : La fusion du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées nous permet au contraire d’afficher de nouvelles ambitions, car cette évolution nous place au cœur de la nouvelle région, entre Montpellier et Toulouse. Pour le Grand Narbonne et ses 37 communes, c’est un atout de plus, qui conforte notre position historique à la jonction des grands axes de communication méditerranéens. Concrètement, nous avons reçu de nombreuses demandes concernant la logistique, qui sont clairement liées à la position géographique privilégiée de l’agglomération. Par ailleurs, cette situation centrale va accélérer le développement du pôle « santé » du Grand Narbonne, sur la zone d’activité de Narbonne/Montredon-des-Corbières, qui offre une emprise de 160 hectares autour de la future clinique (300 lits). Donc, la réponse est non : ni Montpellier ni Toulouse ne nous écrasent !
- Cela étant dit, elles ont chacune des spécialités qui, une fois cumulées, laissent peu de place aux agglomérations de taille moyenne, comme celle de Narbonne. Comment vous différencier de ces grandes villes ?
Jacques Bascou : Il y a au moins trois façons de se différencier. La première, c’est de favoriser toutes les démarches innovantes qui permettent de valoriser nos atouts naturels en s’inscrivant dans les concepts de « croissance verte » et « croissance bleue ». La mer ? Au-delà du tourisme balnéaire, nous allons réaliser à Port-la-Nouvelle, avec la Région et le Département, un des ports les plus modernes de France.
Le vent ? Jadis considéré comme un handicap, il devient un atout à travers les projets d’éolien flottant et le tourisme des sports de glisse (le Mondial du Vent à Leucate, par exemple).
Le soleil ? Nous avons d’ores et déjà une des plus grandes fermes solaires de France, mais le photovoltaïque n’est qu’un élément de notre démarche vers la transition énergétique. La méthanisation est également une priorité, et le fait que Suez ait décidé d’implanter son laboratoire national de recherche en Grand Narbonne conforte ce choix.
La vigne ? Nous avons la chance d’avoir avec l’INRA des chercheurs qui travaillent sur l’adaptation de la vigne au changement climatique et au développement de produits dérivés du vin qui peuvent intéresser le secteur de la santé et du bien-être. Une démarche identique est portée sur l’exploitation du sel.
On doit également citer l’économie sociale et solidaire et le numérique, domaines dans lesquels le Grand Narbonne a développé des outils montrés en exemple (la structure IN’ESS).
La deuxième façon d’être « différent », c’est de nouer des partenariats avec d’autres agglomérations : nous le faisons avec celle de Carcassonne au sujet de l’aéroport ; par ailleurs nous sommes réunis en association “Cœur du Languedoc” avec les intercommunalités du Biterrois, de l’Agathois et du Lézignanais, pour porter des dossiers communs, notamment auprès de l’Union européenne.
Enfin, la troisième façon de nous différencier c’est la qualité de vie. Sur ce point, les métropoles ne peuvent pas lutter…
- Allez-vous délaisser les secteurs où le Narbonnais est le plus reconnu, comme le tourisme ?
Jacques Bascou : Il n’est pas question de remplacer telle activité par une autre, mais d’ajouter de nouvelles cordes à notre arc. Le tourisme demeure bien sûr l’un de nos principaux atouts et l’ensemble de l’écosystème doit contribuer aux innovations dans ce domaine. Elles concernent la relation clients, l’accueil des visiteurs, la promotion des ressources naturelles et de certains secteurs à haute valeur ajoutée comme le tourisme fluvial et l’oenotourisme qui développe de grands projets (château Capitoul) ; la valorisation de l’Histoire et de l’archéologie autour du futur musée régional de la romanité, Narbo Via… Notre maître mot est : « N’attendons pas que les visiteurs viennent d’eux-mêmes dans le Grand Narbonne, allons les chercher ! ».
Propos recueillis par Pascal Boiron, MID e-news