ChatGPT suspendu à Montpellier: « Du bon sens » selon Manu Reynaud

Dans le contexte d’une évolution numérique rapide, Montpellier se positionne en pionnier en matière de politique technologique. Manu Reynaud, adjoint au maire en charge du numérique, nous éclaire sur la récente décision de limiter l’usage de ChatGPT, une IA générative développée par OpenAI, au sein de la mairie. Découvrez comment la ville appréhende cette innovation majeure, alliant précaution, éthique et volonté de tirer profit du potentiel de l’IA.

Il n’est pas peu dire que la décision de Montpellier d’interdire en son sein l’utilisation de ChatGPT, un programme d’IA générative développé par OpenAI, a suscité beaucoup d’intérêt. Une décision, motivée par la volonté de préserver la confidentialité des données des citoyens, qui fait suite à la récente annonce de l’intégration du copilote dans sa solution Microsoft Office 365. « Nous sommes garants de la confidentialité des données personnelles de nos administrés, ainsi que d’un certain nombre de données relatives à la collectivité. Il ne s’agit pas d’une interdiction, mais d’un principe de précaution et de prudence, par ailleurs initié sur le site même de ChatGPT qui prévient de ne pas utiliser de données confidentielles », explique Manu Reynaud. « L’intégration de ChatGPT dans nos outils de travail nous est imposée, alors que nous n’avons pas à la subir. Aujourd’hui, on veut nous imposer une technologie sans nous fournir la notice ».

Pour justifier une telle décision, une vingtaine d’experts ont été appelés auprès du maire président, dont des chefs d’entreprise, des directeurs d’école, des ingénieurs ou encore des chercheurs. « Tous ont validé notre démarche, et sans aucune réserve », rappelle l’adjoint au maire.

Un écho médiatique, une décision mal comprise

Malgré les titres de la presse, Manu Reynaud est catégorique sur le fait que leur démarche n’est pas une interdiction totale, mais plutôt une mesure de précaution. « Nous souhaitons faire les choses dans l’ordre, ce qui nous oblige à appliquer un principe de prudence que personne ne nous aurait contesté s’il avait été appliqué à d’autres domaines. Qui nous aurait dit de ne pas faire d’étude d’impact quant à la mise en fonction d’un feu rouge ? Personne. On nous l’aurait même reproché si on ne l’avait pas fait. Aujourd’hui, il y a un abysse entre ce que nous faisons dans la vraie vie et ce que nous acceptons dans le numérique. On ne se rend pas compte des risques. La mise en place d’un feu rouge sans mesure d’impact peut provoquer des accidents, mais un logiciel déployé sur des millions, voire des milliards de postes à travers le monde, peut causer de très gros accidents avec de très grandes conséquences », précise-t-il. « Concernant les retours du public, beaucoup ont considéré notre décision comme une agression contre la technologie. Ce sont majoritairement ceux qui se sont arrêtés aux titres, parce que lorsque l’on lit l’intégralité de la démarche, on ne peut la contester, c’est du bon sens », ajoute Manu Reynaud.

L’innovation technologique : Un outil à manier avec soin

Si effectivement l’interdiction de ChatGPT a été perçue par certains comme une entrave à l’innovation, Manu Reynaud insiste sur le fait que la ville de Montpellier ne s’oppose pas à la technologie. « À titre personnel et en tant qu’élu, je recommande à toutes et à tous d’utiliser et de tester ce type de logiciel s’ils s’y intéressent. Il y a un cap technologique qui a été franchi, qui va changer la donne. Il va falloir s’en servir, mais aussi l’appréhender », explique l’adjoint au maire. « Aujourd’hui la révolution de l’intelligence artificielle est comparable à celle de l’écriture, de la révolution industrielle ou encore de la révolution informatique. Personne aujourd’hui ne souhaiterais se passer de la révolution industrielle. Sauf qu’aujourd’hui, cette dernière est en train de nous coûter la survie de l’humanité. Avec le recul, on sait qu’on aurait pu s’y prendre autrement. Ça a été une révolution lente que nous avons mis du temps à appréhender. La révolution de l’intelligence artificielle générative, elle, est beaucoup plus rapide. Il a fallu deux mois à ChatGPT pour atteindre la barre des 100 millions d’utilisateurs. Jamais aucune technologie de ce niveau de rupture n’a été diffusée en aussi peu de temps, d’où la nécessité d’être très vigilent », prévient l’élu.

L’impact potentiel de l’IA générative : Une révolution en marche

Parmi les effets de l’IA générative sur nos sociétés et professions qui pourraient être importants, Manu Reynaud estime que cette technologie pourrait impacter entre 40% et 95% des métiers, conduisant à des changements majeurs dans nos organisations et nos politiques publiques. « Nous souhaitons anticiper ce qui va arriver. Malgré les problématiques liées à cette technologie, nous savons qu’elle peut être un outil formidable. Elle pourrait aussi nous permettre par exemple d’aller plus vite, de trouver des solutions plus vite dans le cadre de la transition écologique ou pour la lutte contre le dérèglement climatique », se réjouit-il.

La position de la mairie de Montpellier : Accompagner le changement

Quand on lui demande quelle est la position de la mairie de Montpellier par rapport à l’intelligence artificielle, Manu Reynaud répond du tac au tac : « une position de précurseur et de prescripteur sur les solutions à adopter ». « C’est précisément ce que nous testons actuellement avec les représentants des syndicats au sein de la collectivité : une nouvelle manière d’appréhender cette technologie, une façon de ne pas la subir. Au lieu de simplement observer ce qui se passe, notre démarche est de l’accompagner. Ce changement d’approche est majeur. En effet, nous demandons à tous les services de nous fournir un état des lieux. Le but ? Identifier ceux qui seraient en mesure d’améliorer le service public. Car oui, nous visons l’amélioration du service public, mais nous souhaitons le faire en collaboration avec les agents et nos concitoyens. L’idée n’est certainement pas d’annoncer soudainement à nos agents que les services d’accueil au public vont disparaître, ou que des services entiers vont être divisés par trois. Ces changements s’appréhendent, s’accompagnent, se réfléchissent et se discutent ensemble. Il n’y a rien de pire que d’annoncer un jour : ‘nous fermons’. Cependant, il n’est pas question non plus de faire l’impasse sur les changements technologiques majeurs en cours », conclut Manu Reynaud.